Publié le Jeudi 6 septembre 2018 à 10h29.

Marx bouge encore

Il y a 200 ans naissait Karl Marx. Ses analyses, notamment économiques, ont été des milliers de fois dénoncées par les penseurs de la bourgeoisie. Cependant, de temps en temps, surtout en période de crise, certains, plus lucides, s’avisent d’y faire référence. En France, un des spécialistes de ce « marxisme » à éclipse est l’économiste Patrick Artus, par ailleurs chef des études économiques de la banque d’affaires Natixis.

En février 2018, dans une note intitulée La dynamique du capitalisme est aujourd’hui bien celle qu’avait prévue Marx, il met en garde les lecteurs des bulletins de la banque contre les risques des bulles financières et la baisse sans fin des salaires – ce qui n’empêche pas le même Artus de considérer dans d’autres textes que les salaires industriels français sont trop élevés. En mars 2018, poursuivant dans la même veine, Artus rappelle à sa façon que la lutte des classes existe, dans un livre titré Et si les salariés se révoltaient (Fayard). Et le 29 août dernier, il creuse le même sillon dans une interview à Libération1. Quelques extraits :

« Partout, les emplois qui paraissaient autrefois solides disparaissent au profit de jobs de plus en plus précaires et mal rémunérés […]. Les salariés doivent accepter le blocage des salaires dès lors que leurs entreprises subissent une baisse de régime de croissance. Mais à l’inverse, ils ne perçoivent rien lorsque le beau temps revient […]. Les actionnaires s’efforcent de préserver coûte que coûte dividendes et rendement du capital […]. Chacun constate que les groupes les plus favorisés par les réformes fiscales sont ceux qui ont déjà accaparé la plus grosse part du gâteau […]. Là où Marx avait raison, c’est lorsqu’il prévoyait la dynamique du capitalisme. En fait, la baisse de l’efficacité des entreprises qui résulte de la baisse de la croissance de la productivité globale des facteurs de production que sont le capital et le travail aurait dû entraîner une diminution du rendement du capital productif. Mais nous constatons le contraire : une augmentation de ce rendement qui frôle les 7 %. Ce miracle est réalisé grâce à la compression des salaires. Et les entreprises ont pu augmenter leur marge, notamment grâce à l’affaiblissement du pouvoir de négociation des travailleurs et à une série de réformes du marché du travail. »

Il ne faut pas se faire d’illusions, Artus ne s’est pas transformé en combattant de la lutte des classes. Mais, outre nous fournir quelques arguments contre le capitalisme actuel, ce genre de déclarations rappelle la dimension scientifique de l’analyse du capitalisme par Marx. Pour le reste, Daniel Bensaïd, dans son introduction à Marx [mode d’emploi] (La Découverte) mettait en garde contre les hommages à « un Marx sans communisme ni révolution » qu’il qualifiait « [d’]hommages du vice à la vertu ».

HW

  • 1. « Patrick Artus : "La question de la révolte des salariés n’est pas à prendre à la légère" », liberation.fr.