Publié le Samedi 27 mai 2017 à 09h30.

Moralisation de la vie publique : Derrière la transparence, la mise au pas ?

Macron s’est engagé à commencer son quinquennat sur une loi de moralisation de la vie publique. Celle-ci devrait être présenté avant les législatives...

Comme il l’a promis en tant que candidat puis comme président, Macron via son nouveau ministre de la Justice Bayrou, élabore un texte sur la moralisation de la vie publique avant même les élections législatives pour qu’il soit « connu de tous les candidats et donc de tous les futurs parlementaires »... Cette future loi est d’importance pour le nouveau chef de l’État puisqu’elle « sera le socle » de son action...

Macron s’inscrit pleinement dans le prolongement de son prédécesseur Hollande qui, par l’intermédiaire de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique (dont son élaboration avait été accélérée suite à l’affaire Cahuzac) et à la loi du 9 décembre 2016 dite « Sapin 2 » a crée la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), l’obligation de la publication des déclarations de patrimoine et d’intérêts des éluEs. Mais avec l’affaire Fillon, Macron et Bayrou voudraient aller plus loin.

Mesures chocs ?

Ainsi Macron veut interdire aux parlementaires d’exercer toute activité de conseil privé rémunérée, en référence à la société de conseil mise sur pied par Fillon peu avant de redevenir député, 2F Conseil. Mais cette volonté risque de se heurter au Conseil constitutionnel, qui avait rejeté en 2013 une tentative semblable du gouvernement Valls.

Toujours en référence à l’affaire Fillon et aux soupçons d’emploi fictif d’assistant parlementaire dont auraient bénéficié Penelope Fillon et deux de leurs enfants... mais aussi les filles du (court) ministre de l’Intérieur Bruno Le Roux, les emplois familiaux seraient interdits. Cela risque sans aucun doute de compliquer la vie d’un député sur six... qui emploieraient selon une enquête du Monde un membre de leur famille.

Mais ce n’est pas tout. Ayant fondé sa candidature sur l’idée de renouvellement de la classe politique, Macron veut également limiter le cumul des mandats dans le temps. Ainsi les éluEs ne pourraient plus enchaîner plus de trois mandats identiques.

Enfin, il est également envisagé de fiscaliser l’intégralité de la rémunération des parlementaires et de mettre fin au régime spécial de retraite des parlementaires.

Faire oublier certaines casseroles

La volonté d’aller vite sur ce dossier ne serait-elle pas aussi une volonté de faire oublier certains dossiers des membres du nouveau gouvernement, et non des moindres ? En effet, on ne peut pas vraiment dire que le Premier ministre Édouard Philippe est un bon élève de la transparence. Ce dernier a eu affaire à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) au sujet de déclarations mal remplies et incomplètes. Pire, il n’a voté aucune des lois sur la transparence préparées pendant le quinquennat de Hollande... Et a fait partie des 179 députés qui ont voté contre la création de l’institution chargée de veiller à la probité des ministres.

Certains nouveaux ministres ont également bien du mal avec les conflits d’intérêts, comme c’est le cas de la nouvelle ministre de la Santé qui reste étroitement attachée à de grands groupes pharmaceutiques. Ou bien encore Bruno le Maire , ministre de l’Économie, qui si cette loi va effectivement jusqu’au bout, devra sans aucun doute mettre fin à l’emploi « secret » de son épouse-collaboratrice.

Macron semble donc très attaché à la moralisation et à la transparence... pour les autres, mais beaucoup moins pour les membres de son propre gouvernement.

Action - réaction ?

Macron s’inscrit donc dans la continuité de Hollande mais tout comme lui, il reste ensuite à savoir si le nouveau chef de l’État aura la majorité pour voter ce texte… et si les parlementaires accepteront de voter des mesures qui les concernent directement. Au vu de la réaction du président du groupe Les Républicains (LR), Christian Jacob – qui a estimé que « beaucoup a déjà été fait » (trop ?) et qu’il ne fallait pas « faire de démagogie » (taclant au passage Bayrou en demandant si c’était bien « un garde des sceaux mis en examen qui va présenter une loi sur la moralisation de la vie publique »), c’est pas gagné. Et cette loi peut vite devenir un sujet de tensions à l’égard de l’exécutif, si tout cela va jusqu’au bout, ce qui est loin d’être sûr.

C’est aussi pour cette raison que l’exécutif réfléchirait à l’organisation d’un possible référendum : pour à la fois faire taire l’opposition et renforcer la légitimité du nouveau président. Tout un programme...

Sandra Demarcq