Publié le Dimanche 19 décembre 2021 à 18h00.

Parrainages : des maires sous pression du RN

Dans la Marne, les maires nous le confirment lors des rencontres. Ils et elles ne se réclament pas du RN, parfois bien au contraire puisqu’ils et elles expriment leur souhait qu’un candidat comme Philippe Poutou puisse se présenter. « Mais si vous avez vu les résultats des dernières élections sur ma commune, vous comprendrez que je ne peux pas le parrainer. Et depuis que les parrainages sont rendus publics au Journal officiel, c’est un coup à avoir des emmerdes dans le village ».

Un rapide coup d’œil sur internet permet de se rendre compte de l’ampleur des dégâts : des scores du RN bien au-delà des 30 % dès le premier tour des dernières élections présidentielles. Parfois au-dessus de 60 % au second tour ou 50 % aux européennes ...

Cette partie de la Marne est traversée par la Route nationale 4, « l’autoroute du pauvre » comme l’appelle une secrétaire de mairie. Une route droite qui va de Paris à Strasbourg et qui sert de délestage pour ne pas payer l’autoroute. Résultat : une file interminable de camions dans les deux sens. Les aires de parking routiers sont indiquées en allemand pour les nombreux chauffeurs à venir de l’est de l’Europe (Roumanie, Lituanie, Pologne). Les forçats de la route n’ont plus les moyens de s’arrêter dans les restaurants, alors ils mangent dans leurs camions.

Les anciens restaurants routiers qui bordaient la nationale sont donc abandonnés. Pour se restaurer, il faut faire 20 kilomètres et se rendre jusqu’à Vitry-le-François. Les villages sont entourés de champs à perte de vue, sans bosquets ni haies, encore moins de forêts. Les seuls éléments qui viennent « perturber » ce paysage plat sont des lignes à haute tension, parfois des éoliennes.

27 exploitations agricoles disparaissent chaque jour en France

Depuis la première campagne de Philippe Poutou en 2012, 100 000 exploitations ont disparu 1 et d’ici 10 ans la moitié des agricultrices et agriculteurs partiront à la retraite. Un tour dans la France rurale sans « atouts touristiques » le confirme.

Sur une quinzaine de communes visitées, il reste une boulangerie, mais plus une seule épicerie, plus un seul café. Les maisons en vente ou abandonnées sont nombreuses. Dans certains villages, un distributeur automatique de pain fait office de boulangerie. « Même les commerçants ambulants ne passent plus, pas assez rentable » nous confie un maire.

Celui-ci, agriculteur, nous reçoit en tenue de travail. Nous sommes en pleine saison de récolte des betteraves. Tout partira à la sucrerie de Cristal Union ou Tereos (Beghin Say), une des principales multinationales du secteur. Présente dans 17 pays, cette entreprise affiche un chiffre d’affaire de 4,3 milliards d’euros… et 45 millions de subventions de la Politique agricole commune 2. Les grands groupes imposent les prix, les semences, le type d’engrais et parfois jusqu’à la date de récolte ! Le mythe de l’agriculteur indépendant a vécu.

Les maires, souvent agriculteurs ou retraités de la fonction publique, tentent tant bien que mal de maintenir la barque dans cette situation difficile. Le RN revient souvent dans les discussions, certains s’inquiètent de sa montée : « Mes administrés se défoulent dans l’isoloir ».

Le démographe Hervé Le Bras expliquait déjà en 2015 que « plus on habite loin d’une gare SNCF, plus on vote FN ». C’est valable pour les services publics en général qui ont déserté les campagnes. L’agriculture intensive dans sa course aux profits est une calamité pour l’environnement, l’emploi et l’aménagement du territoire. Les campagnes vivent donc de plein fouet les effets dévastateurs des politiques libérales.

Face à la destruction des services publics et une économie orientée vers la course aux profits, la ­candidature de Philippe Poutou prend ici tout son sens.

 

1 – Chiffres du ministère de l’Agriculture, décembre 2021.

2 – Chiffres de la Confédération paysanne, janvier 2021.