21 milliards d’économie ! Comme le dit Michel Sapin, ministre des Finances : « La France n’a jamais fait un effort de cette ampleur ». Pour faire passer un tel budget de choc, il est bien utile de pouvoir dire que ça pourrait être encore pire...
Prévoyant un déficit public de 4,3 % du PIB en 2015, le budget présenté par le gouvernement ne respecte pas la règle européenne des 3 %. D’année en année, la date butoir pour atteindre l’objectif des 3 % recule. En 2013, la France avait obtenu un délai de deux ans, aujourd’hui la limite envisagée est 2017.
La vraie-fausse menace de BruxellesGrâce au traité budgétaire européen (TSCG), que François Hollande a fait voter, le budget doit désormais être validé par la commission européenne. Plane donc la menace de le voir retoqué. Ligne rouge franchie et remontrances pour les commissaires européens, protestations de fermeté et d’indépendance du côté du gouvernement français : au-delà de ces échanges de coups de menton, l’objectif imposé-consenti sert à engager de nouvelles contre-réformes. On n’est pas dans les clous pour le budget, mais on se soigne à coup de « réforme structurelles » !Même tonalité avec un deal franco-allemand qui permettrait à la France d’obtenir le feu vert de la Commission européenne... Un 50-50 à la mode Macron : « 50 milliards d’euros d’économies chez nous (en France), 50 milliards d’investissements chez eux (en Allemagne) ». La relance en Allemagne serait ainsi le remède miracle pour l’ensemble de l’Europe et pour la France en particulier.Emmanuel Macron met donc en route son projet de loi « pour l’activité et l’égalité des chances économiques ». Il veut s’attaquer aux « trois maladies » françaises qui empêcheraient selon lui de « libérer, investir et travailler » afin de « lever tous les blocages » qui entravent la croissance. On y trouve en vrac tout l’arsenal libéral et antisocial : travail du dimanche, ouverture du transport à la concurrence, mort des prud’hommes...
Un gouvernement fort de nos faiblessesSans surprise, ce budget se situe dans le droite ligne du Pacte de responsabilité, mais il introduit une rupture très grave... en prétextant la justice sociale. Un comble ! Avec la modulation des allocations familiales, il crée une brèche : la fin de l’universalité des prestations, que le patronat n’aura de cesse d’élargir jusqu’à se désengager totalement du financement de la protection sociale.Ce gouvernement n’est fort que de la faiblesse et de la dispersion des résistances à sa politique. Il ne se maintient que parce que le système de représentation politique permet aux gouvernants d’imposer une politique rejetée par une majorité de la population. Dans ce contexte, l’appel à une mobilisation nationale le 15 novembre contre ce budget lancé par le collectif Alternative à l’austérité (AAA) répond à une impérieuse nécessité : celle de reprendre la rue, de reprendre l’offensive contre le gouvernement.
Censurer le budget et le gouvernement dans la rueLe 12 avril dernier, ce cadre unitaire avait réussi une première manifestation à l’appel de 200 militantEs politiques, syndicalistes, associatifs, chercheurEs, artistes. C’était le premier succès d’une alliance entre organisations syndicales et du mouvement social et partis politiques. Ce front est traditionnellement difficile à réaliser en France, il est pourtant indispensable.Pour réussir une démonstration de force ce samedi 15 novembre, nous devons mettre à profit les quelques semaines qui viennent pour la préparer unitairement : constituer des cadres ouverts pour faire connaître l’échéance, mobiliser, être présents partout, dans les entreprises, dans les quartiers, les communes , les lieux d’étude... Bref, « réchauffer » le climat social et politique.Le 15 novembre doit devenir le rendez-vous de toutes celles et ceux qui ne supportent plus ni le chômage de masse, ni l’austérité, ni la destruction de la protection sociale et des services publics, ni la loi de transition énergétique bidon, ni la répression pour imposer des grands projets nuisibles comme le barrage de Sivens, l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la ferme-usine des 1 000 vaches, ni les interventions militaires impérialistes contre les peuples...Il ne s’agit pas d’amender ou d’infléchir la politique gouvernementale, de faire un peu moins d’austérité et un peu plus de relance. Et la sortie de crise par une politique de la demande est à la fois illusoire et catastrophique pour l’environnement et le climat. Il s’agit bien de combattre frontalement le gouvernement, de reprendre l’offensive et de commencer à changer le rapport de forces ; de redonner l’espoir en remettant en avant des exigences sociales, écologiques, démocratiques radicales ; d’unir et de reconstruire les outils militants capables d’impulser et d’animer les mobilisations pour les imposer.
Christine Poupin