Rencontre dans le quartier des Izards, au local de l’association Izards Attitude, avec Yamina, coordinatrice de l’association, et Tayeb, du Tactikollectif.
Les Izards, c’est en quelque sorte un petit village de 5 500 habitantEs, et on aurait pu penser qu’une rénovation, entamée déjà depuis 2008, aurait pu changer la donne sur un territoire bien plus réduit que d’autres quartiers de la ville. Mais comme l’explique Yamina, « avant, tout le monde se connaissait et maintenant, avec les démolitions d’immeubles, des départs et une population nouvelle, on ne connaît même plus ses voisins de palier [...] il n’y a plus de points de rencontre dans les immeubles, et la mise en place de digicodes écarte encore plus les personnes âgées et analphabètes de la vie de la cité car elles ont du mal à les utiliser ». Le tissu associatif s’est fortement réduit, notamment faute de subventions suffisantes. Et puis il y a eu la mort de Nabil, 18 ans, le 11 décembre 2013, tué par balle quelques jours après une première fusillade.
Les femmes s’organisent
C’est à partir de cette même année que les femmes du quartier commencent à s’organiser collectivement pour réagir face à une situation qui ne fait que s’aggraver : « Huit sont tombés en moins de sept ans et au moins 10 blessés sérieux dont un est toujours en fauteuil roulant » rappelle le journaliste Emmanuel Rondié. Il s’agit pour ces femmes, à travers l’association Izards Attitude, de recréer du lien social, et refaire vivre la vie de quartier. Ces femmes – souvent aussi mères – ont décidé d’intervenir auprès des jeunes du quartier, auprès des enfants qu’ils soient ou non les leurs. Notamment avec leur projet d’aide aux devoirs. Ce projet regroupe parents, enfants, bénévoles ainsi que les femmes d’Izards Attitude qui animent et créent du lien entre les différentEs acteurEs. Une formation des parents est organisée avec jeux de rôle. Cette implication des mères dans l’aide aux devoirs se traduit par un changement dans les rapports avec l’institution scolaire : lors de convocation des parents par l’enseignantE, les parents, et notamment les mères, peuvent s’appuyer sur leur expérience pour discuter des difficultés de leur enfant dans une relation de médiation, plus équilibrée avec l’institution.
L’intervention de l’association ne se limite pas à l’aide aux devoirs. Ses actions touchent près de 80 familles, avec l’appui d’une vingtaine de bénévoles. Cet été, deux séjours dans le Lot et à Saint-Jean-de-Luz ont été organisés, ainsi qu’une « fête du Bac », une fête de quartier, etc.
Une expérience porteuse d’espoir
Pour mener à bien ces projets, Izards Attitude a dû investir en 2014 un local inoccupé. Elle dispose depuis novembre 2018 d’un local, au pied d’une tour, loué pour environ 240 euros par mois. Cela n’a été possible que par l’aide de la Fondation Abbé Pierre, sollicitée par le Tactikollectif. Car les diverses subventions des collectivités locales restent insuffisantes.
Et puis, le 18 septembre dernier, trois jours après une nouvelle fusillade, des habitantEs prennent l’initiative d’appeler à un rassemblement au cœur du quartier, non seulement pour protester contre ces violences meurtrières, mais aussi pour affirmer haut et fort que l’espace public leur appartient, à elles, à leurs enfants, à toutes celles et ceux qui souffrent dans ce quartier.
La « réponse » sécuritaire du maire Jean-Luc Moudenc, qui demande à l’État des renforts policiers ne règlera strictement rien. Et surtout pas la question centrale du chômage dans une cité où son taux de 27 % reste bien plus élevé que celui des autres quartiers populaires de la ville.
Ici comme ailleurs, la lutte pour un monde meilleur ne peut passer que par l’auto-organisation des exploitéEs, des couches populaires prenant directement en main leurs affaires. L’expérience des mères des Izards, avec leur association Izards Attitude, est de ce point de vue porteuse d’espoir. Et la meilleure façon de soutenir leur action est de la faire connaître et de se proposer comme bénévole pour l’aide aux devoirs.