Jean Mercier comparaissait le 21 septembre devant le tribunal correctionnel de Saint-Étienne pour avoir prêté assistance à sa femme qui s’est donné la mort le 10 novembre 2011. Il a fait de son procès une tribune pour demander une loi digne de ce nom sur la fin de vie.
«Je n’ai pas de regrets. Ce serait le cas si, au contraire, je ne l’avais pas fait. (…) Ce qui m’importe, c’est que la loi change car la mort est un sujet qu’on n’ose pas aborder sereinement », a-t-il expliqué. Sa femme, Josanne, âgée de 83 ans, était atteinte d’ostéoporose, une maladie des os qui lui causait des souffrances, voire des fractures, au moindre déplacement, une situation insupportable. Le 10 novembre, elle demande à son mari de lui apporter ses médicaments : « j’ai tout de suite compris ce qu’elle voulait », explique Jean Mercier. Ce dernier aurait pu éviter le procès, mais il a préféré assumer son geste, avouer les faits et aller devant les tribunaux. Face à l’accusation, il estime « ne pas être lâche. Pour moi, ne pas porter assistance à une personne en danger relève de la lâcheté ».
Après avoir subi le feu nourri de questions du président du tribunal qui prétendait vouloir ne laisser aucune « zone d’ombre » ou de « non-dit », il a dû faire face à l’arrogance du procureur de la République. « À aucun moment, il n’y a eu une demande explicite qu’il lui soit porté la mort, c’est dans l’implicite », assène ce dernier. Jugeant que M. Mercier « avait peur de se faire réprimander » s’il n’avait pas accédé à cette demande, il lance : « Cette dame est morte parce que monsieur avait peur d’elle ! » avant de requérir un maximum de trois ans de prison avec sursis contre le prévenu. Demandant à reprendre une dernière fois la parole, Jean Mercier a lancé aux juges sous les applaudissements de la salle : « Si vous pensez que je suis l’homme que Monsieur le procureur décrit, je dois avoir une peine sans sursis. Sinon je serais un lâche, le dernier des derniers… ». La décision a été mise en délibéré au 27 octobre.
Le droit de choisir
Le procès de Jean Mercier est intervenu à quelques jours de l’examen en deuxième lecture à l’Assemblée nationale les 5 et 6 octobre de la proposition de loi des députés Alain Claeys (PS) et Jean Leonetti (LR). Cette proposition prévoit un « droit à la sédation profonde et continue jusqu’au décès, à la demande du patient », si le patient souffre d’une « affection grave et incurable ». Elle n’autorise ni l’euthanasie ni le suicide assisté.
Cette nouvelle loi ne répond pas aux demandes de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, l’ADMD, qui y voit un abandon d’une des rares promesses de Hollande, sa proposition 21. Sans utiliser le mot « euthanasie », ce dernier s’était dit favorable à « une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité ».
Alors que le respect des directives anticipées, consignées par écrit par les patients, devrait s’imposer aux médecins, la nouvelle loi donne aux praticiens la possibilité de ne pas les appliquer, s’il jugent ces directives « manifestement inappropriées » ou en cas « d’urgence vitale ». Le pouvoir médical a la vie dure… Pourtant, le droit de choisir sa fin de vie est un droit élémentaire du patient. Sédation pour mourir endormi, euthanasie active, recours au suicide assisté, c’est le patient qui doit pouvoir choisir en toute connaissance de cause.
Yvan Lemaitre