Publié le Mardi 20 février 2018 à 21h32.

Rougeole : ce que la ministre ne dit pas

Une jeune femme non vaccinée est décédée de la rougeole au CHU de Poitiers il y a quelques jours. La nouvelle épidémie de 387 cas de rougeole a déjà entraîné 1 décès et 83 hospitalisations, dont 6 en services de réanimation. N’en déplaise à notre ministre de la Santé Agnès Buzyn, cela pose bien d’autres problèmes que celui de la vaccination.

Interrogée le 14 février sur France Inter pour savoir si la patiente décédée avait pu être contaminée aux urgences, Agnès Buzyn a déclaré n’en rien savoir et est passée à autre chose. Mais c’est bien aux urgences du CHU de Poitiers, où cette jeune mère de famille de 31 ans avait amené son père, que la patiente a été contaminée. 

Urgences saturées

La rougeole est une maladie très contagieuse. Or les urgences sont saturées, débordées, sans mesures de prévention, sans distribution de masques aux malades qui attendent dans les couloirs, sans information des personnels. L’Agence régionale de santé reconnaît que « cinq personnes ont pu contracter la maladie au contact d’un autre patient au CHU de Poitiers » et que « quatre membres du personnel » ont pu être touchés. Quant à son médecin traitant, débordé, il n’avait pas pu lui donner un rendez-vous le jour même. Un jour de trop. C’est tout le système de santé qui est en accusation. Au moment où le gouvernement d’Agnès Buzyn s’apprête à rendre public un gigantesque plan d’austérité contre la santé et les hôpitaux, avec notamment l’objectif de supprimer encore 32 000 postes de soignantEs, on comprend qu’elle n’avait pas trop envie de s’attarder sur cet aspect des choses.

Les vaccins : une question de confiance

Alors bien sûr, puisqu’il n’y a pas de traitement contre la rougeole, il faut vacciner. L’épidémie de 2008 avait touché 23 000 personnes. Parmi elles, 1 500 ont souffert d’une pneumopathie sévère, 34 de complications neurologiques graves et 10 enfants sont décédés. Depuis 2008, 21 personnes sont mortes de la rougeole en France, pour l’essentiel de jeunes adultes non vaccinés. Mais l’obligation ne crée pas la confiance. Si la confiance dans les vaccins a reculé, c’est à cause de la désastreuse gestion gouvernementale de la grippe H1N1 à 2,4 milliards d’euros, et des experts sous influence des laboratoires. C’est avec tout cela qu’il faut rompre pour s’opposer efficacement aux discours des anti-vaccinations, pour rappeler que l’analyse des dossiers de 1,5 million d’enfants vaccinés prouve l’absence de lien entre autisme et vaccin Rougeole-oreillons-rubéole.

Responsabilités de l’État

Mais ce que la ministre oublie de dire aussi, c’est que les politiques d’État sont parfois responsables de la non-vaccination. Ainsi, en juin 2017, une adolescente de 16 ans, non vaccinée elle aussi, est décédée à Marseille. Buzyn en avait profité pour plaider pour l’obligation vaccinale, comme si la famille de cette jeune fille rom avait refusé la vaccination. C’est tout le contraire puisque selon une étude de Médecins du monde, les Roms adhérent à 91 % à l’idée de vaccination. Un record ! Mais ils sont soumis à dix expulsions policières par an, ce qui rend difficile le suivi médical. Alors seulement 55 % des enfants roms sont vaccinés contre la rougeole, très loin de l’objectif des 95 %. Seuls 8 % des enfants roms ont encore un carnet de santé. 

Et il faudrait aussi parler de la réduction des budgets des PMI (Protection maternelle et infantile), acteurs importants de la vaccination dans les quartiers populaires, et du remboursement à 65 % seulement du vaccin, qui diminue de 15 %, selon l’Institut de veille sanitaire, la couverture vaccinale dans les familles gagnant moins de 883 euros. Mais de tout cela Buzyn ne dit pas un mot. 

Frank Cantaloup