Publié le Jeudi 13 octobre 2022 à 21h00.

Santé des femmes : au travail, le nombre d’accidents des femmes ne cesse d’augmenter

Entre 2001 et 2019, le nombre d’accidents de travail a baissé en général mais a augmenté chez les femmes, tandis que le nombre de maladies professionnelles a lui aussi crû plus vite chez les femmes que chez les hommes. Il y a urgence à renforcer les politiques de prévention, et spécifiquement auprès des femmes.

Nous le savions. Le monde du travail est inégalitaire et en défaveur des femmes : non-égalité salariale, temps partiels imposés, emplois sous-qualifiés, etc. À la lecture d’un rapport1 de l’Anact (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail), il va falloir ajouter à cette longue liste l’inégalité femmes-hommes face à la sinistralité au travail.

Se fondant sur les données statistiques de l’Assurance maladie, ce rapport étudie les tendances différenciées pour les femmes et les hommes des accidents de travail, des maladies professionnelles et des accidents de trajet dans le secteur privé entre 2001 et 2019.

+ 42 % d’accidents de travail chez les femmes

Au cours de cette période, le nombre d’accidents de travail a globalement baissé (– 11 %). Ce chiffre masque toutefois une profonde inégalité : les accidents de travail diminuent de – 27 % chez les hommes mais augmentent de + 42 % chez les femmes ! De plus, les accidents de travail des femmes sont plus graves et entraînent davantage d’ITT (incapacité temporaire de travail) que ceux des hommes, et ce, dans tous les ­secteurs ­professionnels sauf le BTP.

Depuis 2013, le nombre d’accidents de travail remonte. Et, si cette augmentation se stabilise pour les hommes, elle est de + 18 % chez les femmes.

On retrouve les mêmes tendances pour les maladies professionnelles. Celles-ci sont en hausse constante : + 108 % au cours de la période. Cette hausse est deux fois plus rapide pour les femmes (+ 159 %) que pour les hommes (+ 74 %). Même constat pour le nombre d’accidents de trajet : stable pour les hommes mais en augmentation pour les femmes.

Si les accidents de travail ou de trajet mortels sont très majoritaires chez les hommes, leur augmentation depuis 2013 est plus forte chez les femmes (+ 41 %) que chez les hommes (+ 35 %).

L’inégalité femme-homme face à la sinistralité au travail se creuse donc sur la durée et s’accentue au fil de ces 18 années analysées.

Une majorité d’accidents de travail des femmes dans les secteurs d’activité précarisés

Les activités de services (santé, action sociale mais aussi nettoyage, travail temporaire), puis les services, le commerce et les industries de l’alimentation sont les secteurs les plus accidentogènes pour les femmes. En 2019, ils représentaient 65 % des accidents du travail des femmes.

Dans le secteur des activités de services, les accidents de travail des femmes ont augmenté de + 110 %.

Le plus grand nombre de femmes dans ces secteurs n’explique pas à lui seul cette prédominance. Les femmes y occupent aussi des postes plus exposés aux risques d’accidents, et les politiques de prévention les protègent insuffisamment.

Si ces métiers se sont féminisés c’est qu’ils n’offrent le plus souvent que des emplois temporaires, à temps partiel, précarisés. Dans ces conditions d’emploi difficiles, les employeurs ne mettent pas suffisamment en œuvre des ­politiques de prévention.

Qu’en est-il des domaines qui embauchent moins de femmes ? Même dans les secteurs d’activité qui comptent plus d’hommes, comme le BTP ou l’industrie du transport par exemple, ce sont là aussi les femmes qui paient le prix fort. Dans le BTP par exemple, le nombre d’accidents, entre 2001 et 2019, a chuté de – 30 % chez les hommes, mais augmenté de + 85 % chez les femmes.

Dans ces secteurs à prédominance masculine mais où les femmes entrent de plus en plus, les politiques de prévention qui pourraient les protéger spécifiquement ne sont pas mises en place ou insuffisamment.

Urgence pour des politiques spécifiques de prévention

Dans tous les domaines de la sinistralité au travail, accidents de travail, de trajet, maladies professionnelles, le même phénomène existe : une grande inégalité en défaveur des femmes dans le domaine de la santé des salariéEs et un écart qui se creuse au lieu de se combler.

Les spécificités des risques et de la santé des femmes sont en général peu prises en compte (endométriose, risques cardiovasculaires des femmes…) dans les politiques de prévention. Ce rapport met en lumière ce que l’on pouvait deviner : la santé au travail est un problème pour tous et en particulier pour les femmes.

Il est urgent de prendre ces sujets en considération : si les femmes occupent des postes dont les activités sont exposées à des risques quant à leur santé, ces risques doivent être identifiés et reconnus, et des politiques de prévention doivent être mises en place.

Si nos vies valent mieux que leurs profits, nos vies de femmes aussi.

  • 1. Sinistralité au travail en France : une évolution différenciée entre les femmes et les hommes entre 2001 et 2019. https://www.anact.fr/sin…