Dans toute l’Europe, les systèmes publics de santé, qui ont permis l’accès de touTEs à des soins de qualité, subissent les attaques destructrices des politiques d’austérité. En Grèce où l’on peut parler de véritable catastrophe sanitaire1, en Espagne, au Portugal, mais aussi dans les pays d’Europe du Nord, au Royaume-Uni ou en Allemagne, pourtant censés ne pas subir la crise aussi durement. La France n’échappe pas à cette règle...
Depuis 2002, les contre-réformes touchant tant le financement du système de soins (l’assurance maladie) que le service public de santé, l’hôpital public et la psychiatrie publique, se sont accélérées. Elles rendent l’accès aux soins de plus en plus difficiles pour une partie de la population : baisse de la part des soins financés par la Sécurité sociale, augmentation du coût des mutuelles, franchises médicales, dépassements d’honoraires, mais aussi éloignement des lieux de soins, avec l’apparition de véritables « déserts médicaux ».
Ce gouvernement accélère la cadenceCes contre-réformes n’ont pas vocation, comme on le répète souvent, à « réduire les dépenses de santé », mais à réduire la partie publique et socialisée de ces dépenses, ainsi que la place du service public, pour ouvrir largement le marché de la santé aux intérêts privés : assurances, hospitalisation privée, laboratoires pharmaceutiques...Non seulement Hollande et les gouvernements qui se sont succédé depuis 2012 ne sont pas revenus sur les contre-réformes de leurs prédécesseurs, mais ils en accélèrent la cadence : dans les 50 milliards de réduction de crédits publics du Pacte de responsabilité, 10 concernent la santé, et 3 l’hôpital public déjà soumis au régime sec chaque année depuis 2012.La privatisation des soins de ville (hors hôpital) s’accélère. La Sécurité sociale en finance juste un peu plus de la moitié, et le moment approche où cette partie des soins sera directement sous la coupe de réseaux concurrentiels de soins privés contrôlés par les assurances ou les mutuelles entre lesquelles la différence devient de plus en plus mince. La loi Touraine fournit le cadre juridique à ce basculement.Quant à l’hôpital, non seulement ses missions se voient sans cesse réduites et mises en concurrence avec les établissements privés, mais il est en plus désormais sommé de fonctionner selon les normes de l’entreprise privée : la rentabilité d’abord, la qualité et la sécurité des soins après.
Résistances des salariéEs et de la populationFace à ces politiques, des luttes se sont développées. Luttes des populations contre les fermetures d’établissements de proximité ou de services, comme ce fut le cas en décembre 2014 à Douarnenez (29) où quasiment la totalité de la population est descendue dans les rues pour défendre son hôpital. Luttes des personnels hospitaliers, parfois radicales, pour la défense des RTT, de leurs conditions de travail et des emplois statutaires comme à Caen (14) ou à Villejuif (94). Mais isolées, ces mobilisations n’ont pu au mieux que ralentir le rouleau compresseur libéral. C’est pour tenter de les coordonner que s’est constituée, à l’initiative des personnels de Caen et de leurs organisations syndicales, la Convergence des hôpitaux en lutte contre l’Hôstérité.Le bras de fer engagé aujourd’hui par les personnels de l’AP-HP peut être un tournant pour mettre en échec l’austérité dans la santé. Il est suivi avec attention par les hospitalierEs dans tout le pays, conscients que c’est aussi leur propre avenir qui se joue. Car des dizaines de « plans Hirsch » sont soit en application soit en préparation dans toute la France.
Ouvrir une brèchePartout les ARS ont reçu des feuilles de route chiffrées pour diminuer les frais de personnel. Quant à la loi de santé dite Touraine en débat parlementaire, elle permettra, en « mutualisant » les moyens, d’accélérer les fermetures de services et d’établissements, et de supprimer de nouveaux emplois.La lutte de l’AP-HP ne concerne donc pas que les personnels hospitaliers : c’est aussi de l’avenir de l’hôpital public et du droit à la santé pour tous qu’il est question. Syndicats interprofessionnels, associations, partis politique se doivent d’être aux côtés de celles et ceux de l’AP-HP pour assurer leur succès et être avec eux lors de la manifestation du 11 juin. Ils se doivent d’être également présents le 13 juin à Guéret pour la défense de tous les services publics et le 25 juin lors de la mobilisation nationale de la santé et de l’action sociale initiée par la CGT, SUD et FO.Une victoire à l’AP-HP ouvrirait une brèche dans le mur de l’austérité pour l’ensemble du secteur de la santé. Elle serait une victoire pour touTEs.
J.C. Delavigne
- 1. Compte rendu d’une délégation française du secteur santé dans l’Anticapitaliste n°291. Voir aussi le dossier sur les services publics en pages 6-7 et l’interview de salariées en lutte de l’AP-HP en page 12.