François Braun, le nouveau ministre de la Santé, apprend vite. Il lui aura fallu seulement quelques semaines pour se montrer comme le bon élève de ses prédécesseurs Buzyn et Véran : même déni de réalité, mêmes écrans de fumée pour tenter de justifier l’injustifiable face à la crise hospitalière et ses conséquences.
Le 3 août, en déplacement au CHU de Nantes, Braun n’hésitait pas à affirmer : « Il n’y a pas de fermetures d’urgences, je crois qu’il faut arrêter avec ce terme qui est tout le temps utilisé ». Une semaine plus tard, confronté aux faits, il était contraint d’admettre la réalité, tout en cherchant à la minimiser.
Fermetures multiples
Ironie de l’histoire, le démenti des propos du ministre se trouve dans l’enquête menée en juillet par Samu-Urgences de France, l’association dont il était le président quelques semaines auparavant. Cette enquête, portant seulement sur la moitié des services d’urgences, établissait que « 42 établissements avaient été contraints de réaliser une fermeture totale de leur service d’urgences en juillet, pour un nombre cumulé de 546 nuits en juillet » et que 23 établissements avaient « réalisé une fermeture totale pour un nombre cumulé de 208 jours ».
Pour Samu-Urgences France, les recommandations du rapport Braun, désormais appliquées par Braun en personne, devenu ministre de la Santé, sont « insuffisantes ». Elle ne permettent pas « d’assurer une fluidité et un fonctionnement sécuritaire dans les services d’urgences ».
La même enquête établit que c’est seulement là où a été mise en place une stricte « régulation » de l’accès aux urgences que l’accroissement de l’activité n’a pas dépassé les 10 %. En clair, c’est en réduisant l’accès aux soins pour celles et ceux qui n’ont souvent pas d’autres solutions que les urgences ont continué de fonctionner.
Explosion des appels au Samu
Les fanfaronades du ministre qui affirmait que « cette régulation, elle n’apporte pas une dégradation des soins, mais au contraire une meilleure orientation des patients en fonction des besoins » sont contredites, elles aussi, par la réalité.
L’impossibilité d’accéder directement aux urgences s’est traduite par une explosion des appels au Samu, auquel celui-ci ne pouvait répondre dans les délais très courts, avec un fort risque de « perte de chances », pour celles et ceux qui appellent.
Dans une interview à Libération, le Pr. Soulat, vice-président de Samu-Urgences France, affirme : « Le revers de la médaille c’est que les centres de régulation du Samu ont croulé sous les appels, sans toujours avoir les moyens d’y répondre ». Il ajoute un peu plus loin : « Identifier une détresse vitale au téléphone réclame un peu de formation et de bouteille. Il est clair que la qualité de notre régulation n’a pas toujours été optimale au cours de l’été ». C’est dit en termes diplomatiques, mais c’est dit !
Quant à la prétendue « meilleure orientation », elle s’avère, surtout le soir ou la nuit, souvent impossible faute de réponses alternatives. Il n’existe pratiquement nulle part de service public, capable d’accueillir 24/24 h, dans la ville ou le quartier des personnes en demande de soins. La médecine de ville libérale, elle-même en crise, est dans l’incapacité d’apporter une réponse à la hauteur des besoins, d’autant plus que les déserts médicaux s’étendent.
Comme le dit Sandrine Charpentier, cheffe d’un service d’urgences à Toulouse : « Si ces personnes viennent, ce n’est pas pour rien, c’est parce qu’elles ne trouvent pas de réponse ailleurs. »1
Un plan d’urgence est nécessaire
Enfin, les professionnelEs soulignent tous que l’engorgement des urgences où des patientEs souvent âgés séjournent des heures, en attente, sur un brancard, est le résultat de l’absence de lits disponibles dans les autres services de l’hôpital. C’est la conséquence des fermetures de lits, de l’absence de recrutement et de formation des personnels, que poursuit aujourd’hui le pouvoir, bien que tous les voyants soient au rouge.
Alors qu’il faudrait un plan d’urgence, des mesures fortes et immédiates pour sauver l’hôpital et répondre aux besoins de santé, les seules réponses de la Macronie sont le déni, et la promesse, pour l’automne, d’un « grand débat » … dont les conclusions seront rendues début 2023 !
Pendant ce temps, le rouleau compresseur des contre-réformes libérales et la casse des services hospitaliers va continuer avec le vote de la loi de financement de la Sécurité sociale à l’automne. Elle attribuera les enveloppes accordées au système de soins pour 2023 et Bruno Le Maire a prévenu : pas question de « creuser les déficits » !
Les mesures d’urgence pour la santé et l’hôpital devront être parmi les priorités des mobilisations des prochaines semaines. Les journées du 22 septembre (santé) et du 29 (interprofessionnelle) sont les premières échéances dans cette voie.
- 1. Le Monde, 2 août 2022.