Publié le Jeudi 2 juillet 2009 à 19h08.

Ces instits qui dérangent...Interview d'Erwan Redon

Le 7 juillet, Erwan Redon, professeur  des écoles à Marseille, est convoqué devant une commission disciplinaire. Il risque un licenciement pour « insuffisance professionnelle », en réalité pour désobéissance pédagogique assumée.

 

Que te reproche exactement ta hiérarchie ?

Pour ce qui concerne mon « insuffisance professionnelle », je ne peux que vous renvoyer au courrier de mes collègues et aux témoignages des parents1. Les vraies raisons de ma convocation sont que, depuis des années, je signale les dysfonctionnements de l’institution – par exemple la nomination d’un jeune collègue sur une classe spécialisée – et refuse de me plier à des mesures que je juge contraires à l’intérêt de mes élèves, comme cette année, les évaluations CM2. Comme le disent mes collègues, je dis tout haut ce qu’ils pensent tout bas. Je refuse aussi l’inspection dans sa forme infantilisante actuelle qui s’attache plus au contrôle qu’à l’analyse concertée des pratiques. Ma désobéissance est multiple car les griefs le sont. A tout choisir, je refuse. J'ai pris le parti des enfants, de leur avenir, quitte à me prendre des coups de spécialistes administratifs, que je ne peux laisser faire lorsqu'ils m'intiment l'ordre de scier la branche d'un futur plus humain. 

Ce qui t’arrive apparaît comme un règlement de compte personnel de ton inspection académique mais n’est-ce pas aussi une volonté  de l’Education nationale de se débarrasser de « désobéisseurs » ?

En ce qui me concerne, il est vrai que l’inspecteur académique adjoint se souvient du camouflet que lui ont infligé des parents d’élèves de ma classe, révoltés qu’il prive leurs enfants de classe de neige pour me « punir » de mon refus d’inspection. Suite à cela, l’inspecteur a traîné les parents en justice et m’a sanctionné. Mais je ne suis pas le seul à être réprimé. Tous les moyens sont bons pour faire  rentrer dans le rang les « désobéisseurs » : retraits sur salaire – j’en suis à 32 jours –, refus d’avancement, avertissements, retrait du poste de direction pour les réfractaires à Base-élèves2 (comme pour Jean-Yves Le Gall), convocations au commissariat d’enseignants et de parents d’élèves, interdiction de participer à des débats ou de communiquer avec les média (comme pour Bastien Cazals ), jusqu’à la commission de discipline, pour moi, le 7 juillet, et  pour Alain Refalo, le 9. 

Quelle est ta défense et quels sont tes soutiens ?

Je construis actuellement ma défense et je ne cèderai pas sur l’essentiel : la reconnaissance de mes capacités professionnelles et la légitimité de protéger les enfants en refusant de développer un esprit de compétition, de formater les esprits, de stigmatiser les gosses en difficulté, bref, la volonté de continuer une pédagogie active loin du taylorisme scolaire qu’on veut nous imposer. Je suis encouragé par le soutien de personnalités telles que Philippe Meirieu et Hubert Montagner et celui de groupes de recherche pédagogique comme les CREPSC.

Le soutien syndical est très contrasté selon les départements. A Marseille, le moins que l’on puisse dire est que la désobéissance n’a pas été portée par le syndicat majoritaire Snuipp. Habitués à la cogestion avec l’administration, les syndicats majoritaires rechignent à radicaliser leur position et à appeler clairement au refus de mesures qu’ils analysent pourtant comme totalement néfastes et destructrices. Ils continuent en vain à chercher à infléchir la politique ministérielle alors que le rouleau compresseur avance. Mais ce n’est pas propre à l’Education nationale.

Il est temps que les organisations syndicales dénoncent l’archaïsme de l’Education nationale et ses modalités de contrôle, d’évaluation et de sanction (inspections, commissions disciplinaires) où l’inspecteur d’académie détient tout le pouvoir étant juge et parti. Il faut engager aussi une vraie résistance au démantèlement en cours.

Comment participer à ton soutien ?

D’abord en faisant connaître le plus largement possible, et en dehors de l’Education Nationale, la casse de ce service public et les tentatives de mise à  la porte de ceux qui s’y opposent. Il faut signer les pétitions et manifester votre opposition en écrivant aux inspections d’académie et aux média.

1. www.soutinerwanredon.org . Voir aussi    http://resistancepedagogique.blog4ever.com

2. système centralisé de renseignements sur les élèves du primaire qui recueille des informations individuelles utilisables pour la « prévention de la délinquance ».