Le gouvernement a annoncé jeudi 17 mars l’augmentation du point d’indice pour tous les fonctionnaires... Au bout de 6 ans de gel de la valeur de ce point, voilà enfin que le gouvernement accorde une aumône qui est loin de compenser les pertes subies...
Un geste à vocation électorale avant 2017, mais aussi une tentative de désamorcer la colère grandissante dans l’ensemble de la fonction publique.
Enfumage gouvernemental
Le gouvernement n’a pas lésiné sur la communication en publiant sur Twitter des annonces triomphales sur le dégel du point, mais il aurait fallu être particulièrement crédule pour se laisser berner par les chiffres mis en avant : des augmentations annuelles de salaire brut ! Il fallait au moins ça pour cacher la misère de l’augmentation réelle : entre 17 et 26 euros par mois selon la catégorie des agents !
Pour la plupart d’entre eux, cela ne compensera même pas les hausses de cotisations sociales apparues le 1er janvier dernier... et évidemment encore moins les pertes de salaire subies depuis 6 ans. En tenant compte du hausse du coût de la vie, il aurait fallu au moins 6 % de hausse du point d’indice pour mettre celui-ci au niveau de 2010. Les réactionnaires de tout poil se sont empressés de dénoncer les 2,4 milliards d’euros de dépenses au budget de l’État et des collectivités territoriales qu’allait représenter cette revalorisation au rabais... en oubliant de rappeler que ce sont plus de 7 milliards d’euros qui ont été pris dans les poches des fonctionnaires depuis 2010 sous les gouvernements de Sarkozy et de Hollande avec le décrochage des salaires de l’inflation.
Des organisations syndicales qui remballent la grève du 22 mars
Du coup, la grève prévue de longue date le 22 mars sur la question salariale par une intersyndicale très large (CDFT, UNSA, FA-FP, CGT, Solidaires, FSU et CFE-CGC) a fait pschitt. Certaines organisations, comme l’UNSA, la CFDT ou la FA-FP, se contentent bien volontiers des miettes et sont empressées d’annuler l’appel à la grève, des fois qu’il aurait permis de faire entendre l’ensemble de la colère des fonctionnaires qui va bien au-delà de la question salariale, notamment sur la question des suppressions d’emplois, de la dégradation accélérée des conditions de travail ou des attaques contre le statut, notamment depuis la mise en place du PPCR, et dans un contexte de montée des mobilisations contre la loi travail.
Mais du côté des autres organisations, pourtant critiques de la politique austéritaire du gouvernement comme la CGT, Solidaires ou la FSU, c’est le même renoncement qui s’est fait jour, officiellement pour ne pas interférer avec l’appel à la journée de mobilisation interprofessionnelle du 31 mars contre la loi travail. Solidaires a défendu vainement le déplacement de la journée du 22 au 24 mars, date de mobilisation annoncée par les organisations de jeunesse depuis le début du mouvement de mobilisation contre la loi travail, cela afin de faciliter les convergences entre le secteur public et le privé.
Du coup, le bilan des courses est qu’il n’y aura finalement aucune grève significative ni le 22 ni le 24 chez les fonctionnaires... tout étant reporté sur la journée du 31. Bien sûr la grève doit être la plus massive le 31 mars dans la fonction publique, car faire échouer le gouvernement dans sa tentative de destruction du code du travail est de l’intérêt vital de l’ensemble du monde du travail. Cela concerne aussi les agents de la fonction publique, dont le statut sera le prochain sur la liste des tueurs du gouvernement au service du Medef, tout comme le statut des cheminots est directement dans leur viseur actuellement. Mais les journées du 22 et du 24 auraient pu servir largement de points d’appui à la montée de la contestation en mettant à intervalles rapprochés des salariéEs du public et du privé dans la rue au côté de la jeunesse.
Le 31 et après ?
Ce qui en jeu dans la fonction publique, comme dans l’ensemble du salariat, c’est que la journée du 31 mars ne soit pas un point d’orgue de la contestation mais le point de départ d’un véritable mouvement d’ensemble prolongé, capable de faire reculer le gouvernement sur la loi Valls-Hollande-El Khomri. Ce qui peut motiver les fonctionnaires à se plonger sans réserve dans la bataille, c’est que si le gouvernement encaissait sa première défaite sur le terrain social, il aurait davantage de difficultés à continuer à dérouler l’ensemble de sa politique antisociale, notamment celle de casse des services publics et de l’emploi public. Ce serait aussi l’occasion de se redonner confiance pour remettre en cause tout un lot de contre-réformes subies ces derniers mois : la réforme du collège, la remise en cause des 35 heures à l’Assistance publique de Paris, la réforme territoriale... Car d’une victoire peut naître l’envie d’en décrocher d’autres.
Alors, mettons en discussion dans tous les secteurs de la fonction publique, dans les assemblées qui préparent le 31, dans les tracts, la nécessité de reconduire la grève après le 31 mars. Dans certains endroits, aux Finances publiques par exemple, mais aussi à La Poste ou dans l’Éducation nationale, cette question est largement mise en débat par les équipes militantes combatives. Gageons qu’elle gagne en popularité.
Marie-Hélène Duverger