Publié le Lundi 28 juin 2010 à 09h36.

Eau en Île-de-france : les scandaleux profits de Véolia

Le 24 juin devait avoir lieu le vote final sur le contrat de distribution de l’eau en Île-de-France. Stefania Molinari, militante de l’assocation SeauS, qui est membre de la Coordination eau Île-de-France, nous en expose les enjeux. Le 24 juin le contrat entre Veolia et le Sedif doit être à nouveau signé pour une durée de douze ans. Peux-tu nous expliquer ce qu’est le Sedif  ?Le Syndicat des eaux d’Île-de-France (Sedif) est un organisme public, chargé de la distribution de l’eau potable pour 4 millions de personnes en banlieue parisienne. Depuis sa création en 1923, le Sedif a toujours délégué ce service public essentiel à Veolia (ex Générale des Eaux). Historiquement, la région parisienne est le berceau du « modèle français » de marchandisation de l’eau. Veolia et Suez, leaders mondiaux du secteur, ont vu le jour ici, en se partageant les contrats entre Paris et sa banlieue au début du xxe siècle. Depuis, Veolia est restée en place, profitant de conditions particulièrement avantageuses. Au Sedif, Veolia est titulaire du plus gros marché de l’eau d’Europe, presque du monde (375 millions d’euros de chiffre d’affaires). La marge de bénéfices de l’entreprise est plus élevée que la moyenne. Veolia bénéficie d’un contrat assez rare, dit de « régie intéressée », qui lui donne le droit de percevoir une somme d’argent fixe tous les ans, en plus de ses recettes. Vitrine de la multinationale dans le monde, ce contrat est une pièce maîtresse pour son équilibre financier. Comment se sont passées les négociations entre les éluEs et Veolia, ces derniers mois ? Quel est l’attitude des éluEs de gauche face aux revendications de retour en régie publique ? C’est une véritable pantomime.Le processus de vote pour le choix du nouveau contrat est long et « particulier » : il ne concerne qu’une petite partie des 144 élus titulaires, les autres étant appelés à légitimer, de temps en temps, leur orientation. Par exemple, la presse a publié à l’avance le résultat du vote final sur le contrat qui devait avoir lieu le 24 juin. Une partie de la gauche du Sedif scandalisée par le manque de débat et de démocratie au sein du conseil syndical, a créé un groupe politique et plaide pour une gestion publique de l’eau. Malheureusement, il ne s’agit que d’une minorité pour l’instant : de façon générale, la gauche du Sedif joue le jeu de la droite, plus ou moins ouvertement.L’échéance est repoussée en décembre pour une dizaine de communes en Seine-Saint-Denis...Il s’agit de la communauté d’agglomération Est-Ensemble qui regroupe les villes de Bagnolet, Bobigny, Bondy, Les Lilas, Montreuil, Noisy-le-Sec, Le Pré-Saint-Gervais, Pantin, Romainville. Récemment créée, la nouvelle institution a le choix de ne pas adhérer au Sedif. Les élus communautaires disent prendre en compte cette option, mais très peu de temps est alloué à l’étude de faisabilité. Interrogé à ce sujet, Christian Lagrange (PS), chargé de l’eau à la communauté d’agglomération, nous a expliqué qu’il préfère se dépêcher, de peur que le Sedif, impatient, ne coupe l’eau aux habitants... C’est complétement ridicule !

La presse évoque une baisse de prix de 10 %, en quoi cette baisse n’est-elle pas satisfaisante ?Cette baisse de prix annoncée dans la presse avant même la signature du contrat, le 24 juin, tient de la promotion commerciale. Elle ne sera de 10 % que pour les communes qui consomment le plus, ce qui est à l’encontre des enjeux écologiques et de l’égalité entre chaque usager qu’exige un véritable service public. Par ailleurs, cette baisse intervient également parce que Veolia aura moins de structures à gérer (canalisation, ouvrages..) au profit du Sedif, ce qui est révoltant au vu des profits que ce contrat dégage pour Veolia. Après le 24 juin, alors que le contrat est signé pour douze ans, quelles seront les mobilisations et revendications possibles ?À court terme, la mobilisation continue jusqu’en décembre.Le Collectif pour une gestion publique de l’eau Est-Ensemble vient de lancer une deuxième pétition. Dès la rentrée, nous souhaitons multiplier les initiatives publiques, dans toutes les villes. À plus long terme, il s’agit de nourrir le débat politique et public qui s’ouvre en France avec l’accueil du prochain Forum mondial de l’eau, en mars 2012. Cet événement est un phénoménal outil de promotion du « modèle français » de marchandisation de l’eau dans le monde. D’importants moyens y seront spécialement alloués, l’événement ayant lieu deux mois avant les élections présidentielle.

Bien documenté, l’exemple du Sedif risque de donner des maux de tête à tout ce beau monde. Dans les jours qui suivent, nous allons relayer l’appel pour l’organisation d’un Forum social alternatif où nous devrons être nombreux à faire entendre une autre voix que celle des marchands d’eau.Propos recueillis par Thibault Blondin Pour toute info: eauidf@hotmail.fr