Publié le Vendredi 10 juin 2011 à 13h40.

Garde à vue : illégale !

Le 31 mai dernier, la Cour de cassation a rendu quatre arrêt déclarant illégales les gardes a vue opérées depuis six mois sans la présence d’un avocat.

La décision de la Cour de cassation de juger non conforme l’ensemble des gardes à vue réalisées sans avocat avant le 15 avril, remet en cause des dizaines de milliers de procédures. Cette décision intervient à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité posée par plusieurs avocats. En effet, en juillet 2010, le Conseil constitutionnel avait déclaré contraire à la Constitution la garde à vue « à la française », contestée de toutes parts depuis plusieurs années. Il a pourtant fallu attendre le 13 octobre pour qu’un projet de réforme soit soumis au Parlement, caduc d’emblée en ce qu’il n’intégrait pas l’ensemble des prescriptions européennes... C’est donc le 15 avril 2011 qu’une loi réformant la garde à vue a finalement été votée. Alors que la procédure française avait été condamnée, notamment par la Cour européenne des droits de l’homme, la Chancellerie avait préféré maintenir le statu quo jusqu’au vote de la loi. Pourtant, pour de nombreux avocats et le Syndicat de la magistrature, la présence des avocats, imposée par les textes européens, ne pouvait attendre. L’ensemble des interrogatoires des personnes mises en cause étaient en effet réalisé par les seuls policiers. La loi, qui prévoit que les avocats accompagnent leurs clients lors des interrogatoires, est entrée officiellement en vigueur le 1er juin (dans les faits, avocats et policiers l’appliquaient déjà en bricolant). 

Cette décision de la Cour de cassation souligne le refus du ministère de la Justice d’accompagner l’évolution inéluctable de la procédure pénale et son acharnement à entretenir un climat délétère au sein de l’institution judiciaire, dressant les policiers contre les avocats. Depuis le 15 avril, sentant le vent tourner, le ministère de l’Intérieur avait anticipé l’application de la loi en essayant d’assurer la présence d’un avocat lors de toutes les gardes à vue. Il avait prévu le risque d’annulation des procédures mais pas la rétroactivité de la loi !Cette décision provoque la colère des syndicats de policiers qui n’ont toujours pas digéré cette loi salutaire censée mettre fin à « la religion de l’aveu ». 

Dans les affaires faisant l’objet d’une instruction, les personnes mises en cause peuvent invoquer une nullité jusqu’à six mois après leur mise en examen. Les gardes à vue opérées dans les dossiers en enquête préliminaire pourront être annulées, quelle que soit leur ancienneté. De même, pour les auteurs de délits présumés en attente de comparution : devant leurs juges, ils pourront toujours demander la nullité de la garde à vue qui sert de base à l’accusation. 

De fait, ce sont surtout les procédures où il n’y a pas de pièces étayant l’accusation et où les aveux ont été obtenus dans le contexte de pression de la garde à vue sans avocat qui sont visées.Lorsque les avocats obtiendront l’annulation d’un PV d’audition de garde à vue, ils pourront demander la remise en liberté de leur client s’il a été placé en détention provisoire. 

Cela dit, il manque toujours les moyens financiers, notamment concernant l’aide juridictionnelle, pour garantir une défense de qualité pour les personnes mises en cause.

Anne Leclerc