Avec la prolongation pendant plus de cinquante jours d’un « gouvernement démissionnaire » puis la nomination de Barnier, vieux cheval de retour de la droite, comme Premier ministre, Macron, tente d’imposer par tous les moyens la poursuite des politiques libérales désavouées dans les urnes en juin-juillet. Cela se concrétisera à l’automne par le vote du budget de l’État, et celui du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.
Au nom de la « lutte contre les déficits », le gouvernement démissionnaire a continué comme si de rien n’était la préparation d’un budget de l’État qui, compte tenu de l’inflation, serait en réalité amputé de 10 à 15 milliards d’euros. Partout de nouvelles coupes sont prévues (hors les dépenses militaires et de « sécurité »). Mais c’est, pour l’instant dans le plus grand silence que se prépare un second coup de force, avec le projet de la loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2025. Celui-ci définit les recettes et les dépenses de la Sécurité sociale et leur affectation (retraites, santé, prestations sociales). Il s’est élevé à 640 milliards pour 2024 (plus que le budget de l’État, de l’ordre 492 milliards). Il représente plus du quart de la richesse annuelle produite en France (PIB). Au nom de la lutte contre les déficits, tout laisse prévoir que les mêmes exigences d’austérité lui seront appliquées.
Deux sujets en lien avec le financement de la Sécurité sociale ont pourtant occupé une grande place lors de la campagne législative et tout au long de l’été : le sort de la réforme des retraites de 2023 et la crise de l’hôpital et du système de santé.
La ligne rouge de Macron
L’abrogation de la réforme des retraites a été l’un des points décisifs de confrontation lors des législatives. Elle était la première mesure promise par le Nouveau Front populaire s’il arrivait au gouvernement. À l’inverse, elle constitue une « ligne rouge » infranchissable pour la droite et la macronie. Le rejet de ce texte imposé par la force à coups de 49.3 est toujours aussi massif. Pour autant il n’est pas question pour Barnier, partisan de l’âge légal de la retraite à 65 ans, de la remettre en cause. Dès sa nomination il a annoncé qu’il n’accepterait un débat que sur des aspects marginaux de la loi « pour les personnes les plus fragiles ».
La situation catastrophique des hôpitaux
La situation dans les hôpitaux s’est une nouvelle fois détériorée pendant la période estivale. L’été 2023 avait été catastrophique, avec un fonctionnement généralisé en mode dit « dégradé » : délais d’attente prolongés pendant des heures, voire des jours sur des brancards aux urgences ; obligation de faire appel au SAMU pour être admis à l’hôpital ; manque généralisé de lits dans les services, faute de personnel.
Selon la Fédération hospitalière de France, porte-voix des directions d’hôpitaux, pendant l’été 2024, la situation a été « stable » (c’est-à-dire aussi mauvaise) dans 46 % des établissements et elle s’est aggravée pour 39 % d’entre eux.
Selon la même enquête, 66 % des établissements manquent de lits en médecine, 51 % en soins médicaux et de réadaptation et 43 % en psychiatrie, en raison du manque de médecins dans 62 % des cas et de personnel hospitalier dans 37 %, avec pour conséquence le recours aux heures supplémentaires et à l’intérim (très coûteux). Là encore, les premières déclarations du premier ministre ont levé toute ambigüité.
Barnier continuera l’austérité
À peine nommé, Barnier s’est rendu à l’hôpital Necker, prétendant afficher sa volonté de faire de la santé publique « une priorité ». Mais il a d’emblée annoncé la couleur : « je ne suis pas là pour faire de l’esbroufe. Il y a des progrès à faire dans l’organisation, des économies à faire ». En clair : les hôpitaux ne manquent pas de moyens ni de personnel, l’austérité va continuer. Les budgets n’augmenteront pas, il faudra mieux s’organiser pour être plus « productif ».
Il ne fait aucun doute que Barnier et la « majorité » qui le soutient, avec la complicité du RN, vont non seulement poursuivre les politiques d’austérité mais risquent fort de les aggraver. D’ores et déjà, le patronat a lui aussi avancé ses pions en ressortant des cartons le projet de « TVA sociale » qui consiste à transformer les cotisations sociales versées par les employeurs en impôt payé surtout par les plus pauvres. Un projet déjà défendu par Sarkozy dont Barnier fut le ministre…
Stop ou encore à la contre-réforme des retraites ? Stop ou encore au délabrement de l’hôpital et du système de santé ? La réponse à ces questions relève désormais de la puissance de la mobilisation sociale et de la capacité de la gauche sociale et politique réunie dans le Nouveau Front populaire à offrir une alternative rompant avec l’austérité. L’échéance du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale en est un moment décisif.
J. C. Delavigne