Publié le Mardi 29 juillet 2014 à 20h41.

Code du travail : vers la démolition ?

Rien n’est trop beau pour les patrons : Manuel Valls, non content d’avoir annoncé le report du compte pénibilité, a déclaré, dans Les Échos du 1er juillet dernier, à l’intention des partenaires dits sociaux : « Je vais aussi leur demander d’engager des discussions sur les simplifications possibles du Code du travail, avec toujours la volonté de rendre le fonctionnement de l’économie plus souple, plus efficace. » Les salariéEs qui, par leur travail, font tourner l’économie sont prévenus !

Recodifié sous Chirac, passé à l’acide sous Sarkozy et bientôt réduit en miettes sous Hollande ? Ce qui est sûr, c’est que le travail de démolition du Code du travail, texte essentiel qui régit au quotidien les relations individuelles et collectives entre des millions de salariéEs et leurs employeurs, se poursuit sans coup férir depuis 2012, et ce au nom de l’allégement des contraintes qui pèseraient sur les entreprises, supposé doper l’emploi (les derniers chiffres du chômage sont là pour rappeler tout le bien-fondé d’un tel choix). Chaque mot y est pesé : entre un article qui permet et un qui oblige, on passe du conditionnel à l’impératif. Le diable est dans les détails : ainsi, une ordonnance récente met fin à l’obligation de procéder à un certain nombre d’affichages, dont celui relatif à l’organisation des élections professionnelles, l’entreprise pouvant dorénavant informer son personnel « par tout moyen permettant de conférer une date certaine ». Plus pernicieux, un grand nombre de documents ne seront plus transmis d’office à l’Inspection du travail mais seulement remis à sa demande : terminée la logique d’opportunité qui pouvait donner lieu à un rappel à l’ordre, voir à un contrôle de la société.

La loi versus le contratFinie aussi la refondation sociale, stratégie initiée par le Medef en 2000, là aussi sous un gouvernement dit de gauche et en réponse au passage aux 35 heures, par laquelle ce dernier voulait réduire au minimum l’intervention de l’État dans la sphère sociale. Avec un pouvoir encore plus conciliant que sous la droite, il lui suffit désormais de donner de la voix pour être exaucé ! Il faut lire Pierre Gattaz, réagissant aux derniers vœux présidentiels, pour réaliser le chemin parcouru : « Aujourd’hui, le terreau France est peuplé de ronces et de pierres. Les pierres, ce sont les impôts et les charges ; les ronces, c’est la complexité de la réglementation ». Le vote du Pacte de responsabilité a levé les rocs, reste à débroussailler en pouvant compter, in fine, sur l’appui du pouvoir en place, car les syndicats réformistes, CFDT en tête, échaudés par le fait de voir leurs maigres avancées payées au prix fort foulées du pied, ont juré qu’on ne les y reprendraient plus. Ainsi, le ministère du Travail va demander au Parlement de sécuriser davantage le régime des 24 heures minimum pour le temps partiel, issu de la loi dite de sécurisation de l’emploi : concrètement, il sera quasi-impossible au salarié ayant accepté de déroger à la dite durée de réclamer, par la suite, que cette possibilité lui soit de nouveau offerte… Malmenée davantage la hiérarchie des normes pour laisser la place à l’accord, lui-même remis en cause une fois signé, voilà le marché de dupes du patronat ! « L’histoire sociale enseigne qu’il n’y a pas de politique sociale sans un mouvement social capable de l’imposer » écrivait Bourdieu : après l’interview de Hollande le 14 juillet dernier, ce sont les seuils sociaux et le repos dominical qui sont dans leur ligne de mire. Il est temps que se constitue – à commencer entre les centrales qui ont boycotté tout ou partie de la conférence prétendument sociale – un front politico-social à même de les faire trébucher.

LD