Dans la foulée de l’aggravation des attaques contre les droits des chômeurEs, « en même temps » que sont publiés les premiers décrets permettant la mise en œuvre de la réforme des retraites, que la chasse à la fraude sociale — estimée à 351 millions d’euros alors que la fraude fiscale s’élève à 14,6 milliards — vise les plus démunis, dont les retraitéEs notamment les travailleurEs immigrés, les allocataires du RSA sont la nouvelle cible antisociale du gouvernement Macron-Borne-Dussopt.
La loi mettant en place le prédécesseur du RSA (revenu de solidarité active), le RMI (revenu minimum d’insertion), date de 1988. Elle précisait que « l’insertion sociale et professionnelle des personnes en difficulté constitue un impératif national ». Autant dire un devoir incombant à la société permettant aux bénéficiaires de retrouver ou de développer leur autonomie sociale.
Allocation peu coûteuse, très faible fraude et non-recours
Aujourd’hui, le RSA constitue un minimum de revenu pour 1,8 million de foyers, soit près de 4 millions de personnes avec les conjoints et enfants, pour une dépense publique de 15 milliards d’euros (prime d’activité et accompagnement compris). Un minimum de 607 euros pour une personne seule et de 1 519 euros pour un couple avec trois enfants ne permettent pas de vivre. Cela représente 7 000 euros par ménage et par an, soit « l’une des aides publiques les moins coûteuses par rapport à son impact social », selon un rapport de la Revue économique1.
Le RSA est une allocation « différentielle », c’est-à-dire que la somme versée ne fait que compléter les revenus du foyer pour permettre d’atteindre un certain montant. Les revenus de toute la famille (y compris les prestations sociales) sont pris en compte. Le RSA n’est accordé qu’après une instruction longue et fouillée des caisses d’allocations familiales (CAF). Les nombreux contrôles ne révèlent que 1 % de fraude au RSA sur le total des contrôles effectués par les CAF sur leurs prestations, dont la moitié concerne le RSA.
Un tiers des personnes qui y ont droit ne demandent d’ailleurs pas l’allocation. Les allocataires cumulent souvent de très grandes difficultés : faible niveau de diplôme et de qualification, problèmes de santé, de garde d’enfant, de logement, de déplacement, qui rendent le retour rapide à l’emploi souvent problématique et nécessitent des approches et des moyens spécifiques.
Stigmatisation
Au fil du temps et des reculs sociaux, cette conception de la solidarité a été régulièrement mise en cause. Tandis que le nombre d’allocataires augmentait, les idées de désincitation au retour à l’emploi, de paresseuxEs assistés étaient répandues par les responsables politiques et les « grands » médias. Lors de la campagne présidentielle, Macron indiquait qu’il y aurait pour les allocataires RSA une « obligation de consacrer de quinze à vingt heures par semaine pour une activité permettant d’aller vers l’insertion professionnelle ». Le 25 avril, répondant à une casserolade lors d’un déplacement dans l’Hérault, il opposait aux allocataires du RSA « les classes moyennes » c’est-à-dire « ceux qui comptent pour l’essentiel sur leur travail pour vivre, pas sur les aides sociales ni sur un gros patrimoine ».
Depuis le début de l’année, 18 départements et la métropole de Lyon expérimentent ces dispositions. Dussopt explique que « tous les allocataires des territoires d’expérimentation seront amenés à signer un contrat d’engagement sur la base d’un accompagnement intensif avec une cible de quinze à vingt heures par semaine ». Un accompagnement qui pourra prendre plusieurs formes : immersion et formation en entreprise, démarche sociale accompagnée, ateliers collectifs, activité citoyenne, accompagnement à la création d’entreprise, intégration dans un chantier d’insertion, etc., et censé rendre possible « une adaptation aussi fine que possible à la situation de la personne » et non pas « par une logique d’activité obligatoire non rémunérée et assimilable à un emploi ».
La mise en œuvre de la réforme impliquerait des moyens exceptionnels peu compatibles avec les objectifs de réduction du déficit budgétaire du gouvernement. Il faudrait recruter 3 600 conseillerEs à l’emploi et embaucher de nombreux travailleurEs sociaux pour accompagner les allocataires, notamment les plus éloignéEs de l’emploi, dans une reprise d’activité, mais aussi déployer les politiques permettant de faciliter l’accès au permis de conduire, à la garde d’enfant, au logement, aux soins.
Répression
A contrario, c’est dans la logique de stigmatisation que s’inscrivent les mesures envisagées. Elles consisteraient à traiter les allocataires du RSA comme des demandeurEs d’emploi ordinaires et à les soumettre aux mêmes obligations et sanctions que ceux-ci. C’est ce que suggère le rapport du Haut Commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, qui propose qu’un même contrat d’engagement soit signé par tous les demandeurEs d’emploi, et s’attarde sur les sanctions à appliquer en cas de non-respect.
Après avoir indiqué qu’elles seront « adaptées aux caractéristiques de chaque personne » et ne seront pas automatiques, le rapport propose la mise en place, « en complément des sanctions prévues par les textes actuels », d’un nouveau type de sanction, dite « suspension remobilisation », rapidement applicable et utilisable dès le début du parcours.
Au vu des conditions évoquées par Dussopt, la Seine-Saint-Denis s’est retirée de l’expérimentation la métropole de Lyon et les départements d’Ille-et-Vilaine et de Loire-Atlantique préviennent qu’il ne doit pas « être question de créer un RSA sous condition renforçant les devoirs des allocataires et les sanctions à leur encontre ».
- 1. Revue économique, vol. 73, n° 5, 2022.