Hasard du calendrier, quelques jours après la publication du rapport de l’Insee sur les inégalités, les Restos du cœur annoncent l’ouverture de leur campagne 2014-2015. Avec 130 millions de repas, plus d’un million de « bénéficiaires », les Restos du cœur tentent de répondre aux besoins grandissants d’une partie toujours croissante de la population. Une autre façon de mettre en évidence les effets concrets de l’appauvrissement croissant d’une partie de la population.
Des pauvres de plus en plus nombreux... La France comptait 4,9 millions de pauvres en 2011 (+ 662 000 de 2008 à 2011) avec un seuil de pauvreté à 50 % du niveau de vie médian (1) et 8,8 millions (+ 992 000 de 2008 à 2011) au seuil de 60 %. Avant 2007, le revenu salarial moyen (19 370 euros en 2002) augmentait de 0,6 % par an contre 0,2 % de 2007 à 2012 (à 20 100 euros). Les femmes sont toujours les plus mal loties : des salaires inférieurs de plus de 20 % et des pensions de retraite inférieures de 21 % à celles des hommes.Entre 2008 et 2012, le nombre de bénéficiaires du RSA socle (pour les personnes dépourvues de ressources) a augmenté de 26 %. Pour l’Allocation de solidarité spécifique (pour les chômeurs en fin de droit), l’augmentation est de 27 %. Au total, plus de 4 millions allocataires dont les conditions de vie se détériorent : en 2012, près d’un quart de ces bénéficiaires ont déclaré avoir dû se priver de certains achats alimentaires (+10 % par rapport à 2008). Un allocataire au RSA sur dix (1/20 en 2006) et près d’un allocataire de l’ASS sur cinq (1/8 en 2006) dit avoir renoncé à des soins de santé.
Un chômage qui frappe inégalement...Dans la constante hausse du nombre de privéEs d’emplois, avec plus de 5 millions de « chômeurEs officiels », et 7 ou 8 millions de « mal-employéEs », les inégalités sont là aussi frappantes. En 2013, les personnes à la tête d’une famille monoparentale sont trois fois plus confrontées au chômage de longue durée que les personnes en couple (près de 9 % contre environ 3 %, chiffres BIT). Parmi les chômeurs de longue durée, la fin de CDD (qui touchent avant tout les femmes) est la circonstance principale de perte du dernier emploi (46 %). Les employéEs et les ouvrierEs sont les plus touchés : entre 2008 et 2013, leur taux de chômage de longue durée ont progressé de 1,5 et 2,3 points respectivement, contre 0,6 et 0,4 point pour les professions intermédiaires et les cadres.Le taux de chômage des immigréEs atteignait 16,9 % en 2012 contre 8,6 % pour les non immigréEs. À caractéristiques égales, le risque de chômage est 1,9 fois plus élevé pour les immigréEs et 1,4 fois pour les descendants d’immigré(s) par rapport aux personnes nées françaises de parents français. En moyenne, les ménages non immigrés perçoivent des revenus (par personne, prestations sociales comprises) supérieurs de 28 % à ceux des ménages immigrés.Un peu plus de 40 % des ouvrierEs partent en congés chaque année, contre 70 % des cadres supérieurs. Et encore, suivant les catégories, on ne part ni aussi souvent, ni aussi longtemps, ni dans les mêmes conditions...À 35 ans, un homme cadre peut espérer vivre 47,2 ans de plus et un ouvrier seulement 40,9 ans supplémentaires. Chez les femmes, cette « espérance de vie à 35 ans » est de 51,7 ans supplémentaires pour une cadre, contre 48,7 pour une ouvrière. Et l’« espérance de vie en bonne santé à 35 ans » des cadres hommes est de 34 ans de plus contre 24 ans pour les ouvriers...
Robert Pelletier1 – Le revenu médian divise la population en deux parties égales : 50 % de la population avec un revenu supérieur et 50 % un revenu inférieur.