Le journal Le Monde a révélé samedi la démission du Directeur Général du Travail, Yves Struillou, tancé publiquement par la ministre E. Borne pour sa gestion de la procédure disciplinaire contre Anthony Smith. La même ministre avait dû concéder quelques jours plus tôt un retour de l’inspecteur du travail sur un poste d’agent de contrôle dans sa région d’origine en lieu et place de la placardisation à 200 km de son domicile qui lui avait été notifiée mi-août. Ces reculs successifs sont à mettre au crédit d’une mobilisation d’ampleur qui, depuis la mise à pied d’Anthony au mois d’avril, s’appuie à la fois sur une intersyndicale interne au ministère et sur la mise en place via un comité de soutien d’un front de solidarité large, associant la plupart des organisations politiques du mouvement ouvrier, les principales unions et confédérations syndicales, des associations féministes ou intervenant sur le champ de la santé au travail. Depuis le déconfinement, des dizaines de rassemblements se sont tenus dans toute la France, souvent en lien avec les organisations syndicales interprofessionnelles. Et, en plein cœur de l’été, ce ne sont pas moins de 400 personnes qui étaient rassemblées sous les fenêtres de la commission disciplinaire où Anthony était appelé à comparaître.
Caporalisation de l'Inspection du travail
La mobilisation persistante, l’écho qu’elle a donné à ce dossier, ont placé E. Borne dans une position intenable : prendre une sanction contre un agent qui avait tenté d’imposer à un employeur la mise à disposition de masques pour des salariées particulièrement exposées, et rendre dans le même temps le port du masque obligatoire en entreprise. Désireuse de « tourner la page », comme elle l’a déclaré à la presse, pour se consacrer à d’autres fronts, la ministre a préféré sacrifier un directeur général du travail devenu trop encombrant et unanimement détesté par ses agent-e-s. En effet ce dernier, après avoir couvert les manoeuvres du patronat et des responsables politiques marnais qui ont abouti à la mise à pied d’Anthony, avait personnellement rédigé le dossier disciplinaire. Sous sa direction plus encore que sous celle de ses prédécesseurs, la convention n°81 de l’organisation internationale du travail, qui garantit en principe l’indépendance de l’inspection du travail vis-à-vis des changements de gouvernement et des pressions extérieures, a été réduite à un chiffon de papier. Des centaines d’inspectrices et d’inspecteurs du travail ont donc trinqué à son départ !
Evidemment la démission du DGT ne signifiera pas nécessairement un changement de politique. Borne va tenter de garder le cap voire même précipiter la nouvelle contre-réforme qu’appellent de leurs vœux les directeurs régionaux : pouvoirs accrus à l’encadrement intermédiaire pour caporaliser l’inspection du travail, accroissement de la rémunération à la tête du client, délégation du pouvoir disciplinaire aux responsables locaux etc. Mais ces deux reculs coup sur coup du ministère viennent redonner confiance dans la force de la mobilisation collective et la possibilité d’obtenir d’autres victoires. L’enjeu est maintenant d’empêcher que la page soit tournée, d’approfondir leur crise pour obtenir l’annulation complète de la sanction infligée à Anthony Smith et un plan d’urgence pour l’inspection du travail exsangue après des années de réorganisations et suppressions de postes.