Publié le Jeudi 8 novembre 2012 à 12h44.

Pas de tabou : 32 h tout de suite vers 30 h hebdo

C’est Manuel Valls, chasseur de roms et « extradeur » d’Aurore Martin qui, dès janvier 2011, avait relancé l’attaque contre les 35 heures dans le cadre des primaires socialistes. Pour Valls, il s’agissait de « déverrouiller les 35 heures » afin de « permettre… pour ceux qui ont la chance d’avoir un emploi, de travailler davantage… sans avoir recours forcément aux heures supplémentaires qui ont beaucoup coûté à l’État ».Le débat, relancé par la « petite » phrase du Premier ministre affirmant qu’il n’y a pas de tabou sur la question, s’inscrit dans la logique du rapport Gallois sur la compétitivité. Si les membres du gouvernement sont un peu gênés par la relance d’une polémique de plus, le Medef et la droite se réjouissent bruyamment de l’aubaine.Les 35 heures, quelles que soient les déclarations sur leur disparition, constituent le repère central en matière de temps de travail. Certes, ces lois ont ouvert la voie à la multiplication des dérogations, à l’aggravation des conditions de travail par la suppression des pauses, l’intensification du travail, la suppression des temps communs entre les équipes et à la multiplication des dérogations et des allègements de cotisations sociales.Un enjeu essentielMais la simple existence d’un temps de travail fixé par la loi, c’est-à-dire applicable à l’ensemble des salariéEs est insupportable pour le patronat. C’est ce qui fait remonter au créneau Denis Kessler, patron d’un groupe d’assurance qui, lorsqu’il était numéro 2 du Medef appelait à « défaire méthodiquement le programme du CNR », et affirme qu’« il est temps d’abolir les 35 heures ». Il y a bien là un enjeu essentiel. La réduction du temps de travail s’inscrit dans une perspective historique aussi vieille que l’affrontement capital-travail. La réduction du temps de travail est au cœur de l’histoire du code du travail. De 1840 à 1920, il a fallu 80 ans pour passer de la journée de 17 heures à la journée de 10 heures. De 1936 à 2001, il a fallu 70 ans pour passer de 40 heures à 35 heures. Si l’augmentation de la productivité du travail et les progrès technologiques en ont fourni la base matérielle, c’est la mobilisation des salariéEs qui a imposé ces avancées. Compétitivité = dangerLa plupart des études montre que la durée réelle du temps de travail en France est dans la moyenne des pays industrialisés et que la RTT ne pèse pas sur la fameuse compétitivité. De leur côté, les salariéEs restent attachéEs, malgré la dégradation des conditions de travail souvent liée aux 35 heures, à leurs jours de RTT. Le vrai danger est du côté des accords compétitivité-emploi qui au travers du chantage à l’emploi peuvent tétaniser les résistances avec la complicité de certaines organisations syndicales. Ce sera le prochain dossier des négociations syndicats-patronat-gouvernement qui risquent fort de reprendre la logique du rapport Gallois. Tout à l’opposé de notre revendication : réduire le temps de travail, sans diminution de salaire ni aggravation des conditions de travail, pour partager le travail entre toutes les mains disponibles.Robert Pelletier