Publié le Lundi 3 décembre 2012 à 17h34.

Quand le patronat veut « sécuriser » l’emploi…

L’agence de notation Moody’s vient de dégrader la note de la dette française, et espère une réforme contre les « rigidités du marché du travail ». Patience : Hollande s’en occupe !Le 13 novembre, lors de sa conférence de presse, le président a à nouveau demandé aux syndicats et au patronat d’aboutir à un « accord historique » pour donner « aux salariés et aux entreprises plus de souplesse et plus de protection face aux aléas de la conjoncture. » Une petite phrase hypocrite pour leur demander de faire eux-mêmes des propositions conformes à la logique libérale : aidons les patrons à embaucher en les aidant à licencier ! Mettre fin au CDILe lendemain, les trois organisations patronales, le Medef, la CGPME et l’UPA, ont présenté une base de négociation « pour la sécurisation de l’emploi », qui propose notamment :– d’élargir le recours au contrat de mission ou contrat de chantier, dont la durée est liée à celle du chantier ;– de « sécuriser » le licenciement pour l’entreprise, en limitant le délai de recours du salarié devant la justice (un an au lieu de cinq) et en plafonnant le montant des indemnisations prononçables par celle-ci ;– de faciliter à la fois les licenciements économiques et les reclassements autoritaires. Ainsi, dans le cadre d’un plan social, un salarié se voyant offrir une offre de reclassement « valable » ne pourrait en cas de refus contester en justice son licenciement, et ses indemnités de chômage seraient diminuées ;– de développer les accords-compétitivité. Une « modulation du temps de travail et des salaires » pourrait être imposée aux salariés d’une entreprise via un accord majoritaire et pour deux ans, sans aucune garantie en termes d’emplois. Pire : « le refus individuel d’un salarié de se voir appliquer l’accord entraînerait la rupture de son contrat » et « le licenciement n’emporterait pas les obligations liées aux procédures de licenciement pour motif économique » !Or les syndicats, conviés à discuter de ce texte qui propose tranquillement d’achever la destruction du CDI et de généraliser le chantage à l’emploi dans les entreprises, réagissent eux-mêmes assez… tranquillement.Mise en pratique du « dialogue social »…Pour le négociateur CFDT Patrick Pierron, « ce texte, assez éloigné de ce que l’on veut, ouvre de petites portes. Il a au moins le mérite d’ouvrir la négociation. » Dans le Nouvel Observateur (du 21 novembre) François Chérèque se félicite du « pacte de compétitivité » socialiste et ses 20 milliards de cadeau au patronat : « C’est un virage pragmatique, bien venu. Il y a les promesses de campagne et la situation qu’on trouve quand on arrive au pouvoir. Mais nous voulons des contreparties. » Lesquelles ? Il faudrait « une modulation des cotisations ­chômage selon la durée des contrats » (c’est aussi une proposition de FO en échange d’un éventuel accord) et « l’amélioration des droits des salariés licenciés ». Quant aux accords-compétitivité, il est pour, à condition que « les patrons acceptent d’anticiper les difficultés en discutant des stratégies avec les représentants du personnel » !La CGT a publié en revanche un communiqué virulent (« Le Medef veut imposer une régression historique ! »), mais qui glisse : « Le Medef refuse de discuter de mutualisation des moyens entre entreprises pour permettre la continuité de l’emploi, de la portabilité ou de la transférabilité des droits. » La CGT se refuse donc à signer un accord avec le Medef dans de telles conditions (contrairement peut-être à la CFDT et à FO), mais imagine elle aussi ses « petites portes »… Une façon de justifier sa place dans cette galère du « dialogue social ».Les patrons ont donc placé, dans leur texte, quelques os à ronger aux syndicats, en leur proposant de discuter pour « améliorer la situation des salariés à contrat court » (« accès au logement », « couverture complémentaire » et « droit à la formation »). Ou encore de « renforcer le dialogue social » et « d’améliorer l’information des institutions représentatives du personnel ». Flexibilité pour les salariés, sécurité pour les directions syndicales ?Yann Cézard