Publié le Lundi 23 mars 2020 à 14h02.

Un centre d’hébergement d’urgence à l’heure du « confinement »

Les associations de solidarité envers les plus précaires, comme toutes les structures et entités françaises, découvrent actuellement comment gérer – ou pas – leurs salariéEs, mais aussi les personnes accueillies et hébergées en ce début de crise sanitaire inédite. Une semaine après les mesures de confinement prises par le gouvernement, retour sur les conditions de travail et de vie d’un Centre d’hébergement d’urgence (CHU) accueillant des familles suivies par Emmaüs Solidarité.Le lundi 15 mars, alors que la panique commence à apparaître et que les ParisienEs anticipent l’annonce de confinement à venir, les travailleurEs du centre sont en ébullition et souhaitent se préparer. Pourtant, aucune communication de la direction sur une éventuelle modification de l’organisation du travail n’est faite.Des mesures barrières impossibles à respecter

Les équipes se sentent complètement oubliées car, mis à part de nombreux mails rappelant les gestes barrières, rien n’est discuté avec les salariéEs sur la stratégie qui sera adoptée.La CGT Emmaüs Solidarité sort rapidement un communiqué incendiaire, appelant à l’arrêt provisoire de l’activité (via le droit de retrait), anticipant une situation dangereuse pour les salariéEs comme pour les publics accueillis.La grande majorité des employéEs de l’association sont en effet en contact direct avec des personnes extrêmement fragiles pour la plupart, et cette situation se maintient, malgré la désormais pandémie de CoViD-19, sans aucun matériel de protection, sans gel, sans lingettes… Le syndicat argue que, dans ces conditions, les salariéEs qui viennent travailler mettent plus en danger la vie des hébergéEs des centres qu’ils et elles ne les protègent. La réponse de la direction est très rapide, insistant sur les mesures barrières que doivent respecter hébergéEs et salariéEs. Mesures évidemment impossibles à appliquer dans des centres où les cuisines et salles de bain sont collectives par exemple…Deux catégories de salariéEs

Les jours qui suivent, le personnel socio-éducatif se sent abandonné par une direction qui, elle, se met massivement en télétravail sans réfléchir à aucun moment à une autre organisation. Sont ainsi créées deux catégories de salariéEs : celles et ceux qui peuvent se mettre à l’abri car ils peuvent télétravailler et celles et ceux qui doivent prendre plus de risques parce que leur activité ne leur permet pas le travail à domicile.La direction insiste sur le fait que les salariéEs peuvent solliciter des arrêts maladie auprès de leurs médecins, se mettre en congés – on croit rêver – ou faire appel à la mesure exceptionnelle des 20 jours autorisés de congés pour cause de fermeture des établissements scolaires. Les salariéEs qui n’ont pas d’enfants se sentent alors complètement perdants et oubliés. Djelimakan, animateur sur un centre, nous expliquait en fin de semaine dernière : « Les travailleurs sociaux (TSE, ASOE, ASE) et les personnes hébergées dans les CHU sont les grands oubliés de la gestion de cette période de confinement. Pendant que les responsables politiques félicitent sur les plateaux TV, l’investissement des personnels soignants, certains cadres de terrain et des RH d’Emmaüs Solidarité se sont mis en télétravail. Les salariés non cadres, principalement, se sont retrouvés sans soutien de la hiérarchie, à travailler sans aucune protection (masque et gant). Ils ont tenté tant bien que mal de rassurer les personnes hébergées et les encourager à respecter les mesures d’hygiène. Et vu le contexte, il était quasi impossible de respecter les distances conseillées d’un mètre entre les personnes. Il n’était plus question d’accompagnement administratif ou social, les salariés se sont attelés à des tâches logistiques et de la gestion des stocks, en prévision d’arrêt maladie généralisé chez les salariés. Par peur d’être contaminés, certains salariés se sont mis volontairement en arrêt maladie pour protéger leurs familles, proches et hébergés. Certains n’en ont pas osé par crainte de se mettre à défaut suite au silence de leur hiérarchie lorsqu’ils en ont évoqué. Pendant trois jours, les salariés arrivent sur leur site de travail, la boule au ventre, ne sachant s’ils doivent se déclarer en télétravail comme certains cadres au siège d’Emmaüs Solidarité ou continuer à faire ce pourquoi ils ont choisi ce métier : accompagner des personnes en situation difficile vers une autonomie. Nous sommes au quatrième jour de confinement, les salariés qui ont accepté d’affronter leur peur de contracter le coronavirus à répondre présents au côté des personnes hébergées, les rassurer, les accompagner, les écouter, méritent une reconnaissance de leur hiérarchie et des chefs de service. »Vendredi 20 mars, un planning de présence très réduite et un roulement entre les différentEs salariéEs a enfin été proposé aux équipes, jusqu’au 24 avril. À suivre…