Publié le Jeudi 3 février 2011 à 21h20.

ArrêtéEs... pour avoir voulu manifester

Mercredi 26 janvier, vers 19h15. Nous nous rendons entre amiEs place de la Concorde, où nous devons rejoindre des manifestantEs pour un pique-nique devant le très chic hôtel Crillon. L’objet du scandale ? Le Siècle, un cercle mondain où se côtoient des personnalités influentes des sphères économiques, politiques et médiatiques, tient son dîner mensuel à 20 heures, comme tous les derniers mercredis du mois. Les quelque dizaines de personnes que nous rejoignons sur le parvis de l’hôtel et nous-mêmes pensons que les intérêts de ce club divergent quelque peu de ses attributions originelles : « créer un pont entre des mondes qui s’ignorent trop en France ». Nous tenons à rappeler à ces honorables gens que des citoyens se préoccupent toujours de la séparation des pouvoirs politique, économique et médiatique, et que pour eux les termes « indépendance des médias » et « liberté d’expression et d’opinion » sont lourds de sens. Les policiers quadrillent la place de la Concorde, ils sont très nombreux devant l’hôtel Crillon : voitures de police, « paniers à salade », policiers en civils. Nous rejoignons les personnes regroupées en face de l’hôtel. Personne n’a encore commencé à manifester, pas de slogans, tout juste deux pancartes s’agitent en l’air. Mais vers 19h30, surprise ! En quelques minutes, sans nous avoir préalablement prévenuEs, les policiers « en tenue » (gilet pare-balles, protections en tous genres, matraques) nous encerclent et nous arrêtent ! Tout est très rapide : chaque manifestantE est prisE par deux policiers, qui le/la fouillent et l’emmènent de manière peu courtoise dans le camion blindé. L’une d’entre nous proteste, mais on lui fait clairement comprendre que le droit ne s’applique pas ici. Les policiers embarquent en tout 70 manifestantEs dans deux camions blindés, direction commissariat du 11e arrondissement. Une fois arrivéEs, les policiers nous font attendre un moment dans les camions avant de nous débarquer. Fouille, prise des effets personnels, puis les manifestantEs sont parquéEs dans un « enclos » formé de barrières, dans le parking du commissariat. Tout est très méticuleusement préparé ; on ne plaisante pas avec le dîner du Siècle. Dix minutes plus tard, les policiers et policières nous rendent nos effets personnels et nous reconduisent à la sortie. Seul but de l’opération : nous déporter de 5 km afin de ne pas déranger ces messieurs-dames les oligarques pour leur apéritif. La liberté d’opinion, d’accord, à condition de ne pas faire trop de bruit... Presque aucun journaliste n’était présent sur place alors que ces dîners contestataires ont lieu depuis septembre 2010, et quasi-silence sur l’affaire dans les médias. Pas très étonnant : Arlette Chabot, Jean-Marie Colombani, Olivier Duhamel, Laurent Joffrin, Patrick Poivre d’Arvor, David Pujadas et bien d’autres ont le privilège d’être invitéEs au dîner du Siècle. Une seule certitude : en répondant par le mépris et la force aux citoyenNEs soucieux/euses desagissements des responsables politiques, économiques et médiatiques du pays, les membres du Siècle n’ont fait que confirmer que ce sont eux qui détiennent le pouvoir réel, loin d’une idyllique « démocratie ». Prochain pique-nique : mercredi 23 février 2011, et que cette fois ils nous entendent !Elsa et Sylvain