L’aide juridictionnelle est censée permettre aux plus démunis d’accéder à la justice. Pour avoir droit à cette aide, le niveau de revenus doit être très faible. Quant aux avocats, ils sont rémunérés par l’État à des niveaux le plus souvent dérisoires.
Ce système donne l’impression que les plus pauvres peuvent faire valoir leurs droits devant les tribunaux. C’est pourtant loin d’être le cas et, au-delà des déclarations lénifiantes, personne, et surtout pas le gouvernement, ne se soucie d’améliorer le système.
Actuellement, le projet de Taubira de prélever une partie du produit des CARPA (caisses de règlement pécuniaires entre avocats) pour financer l’aide juridictionnelle suscite un mouvement de protestation des avocats. En soi, le projet n’a pourtant rien de scandaleux. Les CARPA génèrent des intérêts énormes, qui proviennent de l’argent des clients. Ces sommes ne profitent nullement aux avocats, si ce n’est à la petite oligarchie gourmande et discréditée qui gouverne la profession à travers les ordres professionnels.
Soutien au mouvement
Les CARPA permettent ainsi à quelques notables d’empocher, dans l’opacité la plus totale, d’indécentes « indemnités » (plus de 200 000 euros par an pour le bâtonnier de Paris), et il est urgent de faire cesser ce scandale. Mais le projet de Taubira est aussi de réduire certaines des rémunérations, pourtant déjà très faibles, touchées par les avocats au titre de l’aide juridictionnelle.
Les avocats ont bien sûr raison de s’opposer à cet aspect du projet et leur mouvement doit être soutenu. Il y aurait cependant beaucoup à dire sur les formes qu’il prend. Il est en effet tout à fait abusif de parler de « grève ». Le mouvement ne concerne en effet que les dossiers d’aide juridictionnelle, tandis que les avocats continuent à travailler pour les clients qui leur versent des honoraires. Curieuse façon de défendre l’accès pour tous à la justice !
Bruno Toussaint (avocat au barreau de Paris)