Les logiciels privatifs deviennent des services et des applications web qui captent notre attention et nos données pour mieux les exploiter. Google est un symbole parmi d’autres : Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Twitter, Dropbox… Ceux-ci ont réussi à nous rendre tellement dépendants de leurs services, souvent gratuits, que nous finissons par travailler pour leur empire sans même nous en indigner...
En les utilisant, nous ne contrôlons plus notre vie numérique. Car rien n’est gratuit pour une entreprise capitaliste : ce sont nos données personnelles qui deviennent les produits vendus par les géants de la Silicon Valley, nos comportements sont disséqués en permanence afin de mieux être ciblés par la publicité.La centralisation des données dans les mains de quelques firmes facilite aussi considérablement les services d’espionnage, qu’ils soient gouvernementaux ou ceux d’organisations à but lucratif : les acteurs sont ainsi moins nombreux et plus dociles à fournir nos données pourtant privées (sites visités, mails échangés, vidéos regardées…) pour leur travail de surveillance et de censure. Les révélations d’Edward Snowden sur le programme Prism de la NSA ont démontré la réalité de ce danger.
« Libres, décentralisés, éthiques, et solidaires »Framasoft (1) est un réseau d’éducation populaire issu du monde éducatif, créé en 2001 et constitué en association loi de 1901 depuis 2004. Consacré principalement aux logiciels libres, il a décidé de sensibiliser le grand public et de lui proposer des services « libres, décentralisés, éthiques, et solidaires » face à chaque application « privatrice, centralisatrice, exploiteuse et enfermante ».« Libre » signifie que les utilisateurs ont la liberté d’exécuter, copier, distribuer, étudier, modifier et améliorer les logiciels dont le code source est libre, donc accessible à touTEs. Internet n’aurait pas pu exister sans les logiciels libres, qui ont permis de développer des outils standards et des protocoles connus et employés par touTEs, nécessaires au succès d’un réseau de communication mondial. « Éthique » et « solidaire » sous-entendent un Internet fait de partage, d’indépendance et d’accessibilité au plus grand nombre. L’indépendance est garantie par la décentralisation des services en ligne, pour assurer l’égalité de touTEs, éviter les monopoles et empêcher que les données personnelles ou publiques puissent être accaparées par qui que ce soit : idéalement, chacunE devrait pouvoir héberger ses propres données pour en garder le contrôle.
Des outils fonctionnelsProposé par Framasoft, ce « plan de libération du monde » (2) est intitulé « Dégooglisons Internet » (3). Une feuille de route est planifiée jusqu’en 2017, mais de nombreux services sont déjà fonctionnels, parmi lesquels :– Framapad, un système de traitement de texte collaboratif pour écrire des documents à plusieurs sans avoir à s’inscrire sur Google Docs...– Framadate, qui permet de convenir d’une date de réunion ou de créer un questionnaire. Un Doodle qui ne donne pas les dates de réunions à la NSA ou à la DGSE...– Framasphère, un réseau social respectueux de nos libertés et de nos droits, une alternative à Facebook...Framasoft a pour ambition de proposer également d’ici la fin de l’année un moteur de recherche, un service de raccourcissement d’URL, des catalogues d’ebooks libres, de l’hébergement d’images… Et bien d’autres services libres d’ici trois ans : stockage cloud, hébergement de fichiers, tube vidéo, listes de diffusion, micro-blogging et blogs.Une société de liberté, de partage et de solidarité
La lutte contre le capitalisme se joue aussi sur Internet, le média de communication le plus puissant aujourd’hui. Les « hackers » à l’origine des logiciels libres ont toujours été à l’avant-garde de la défense de nos libertés. Bien souvent sur la base du bénévolat, ils et elles ont pourtant réussi à développer des systèmes alternatifs crédibles. Leurs initiatives, comme celle de Framasoft, sont précieuses pour les anticapitalistes. Elles méritent notre attention et notre soutien, et cela à double titre : parce que nous devrions nous préoccuper davantage de la sécurité de nos données et de nos échanges sur Internet ; parce que ces expériences sont un exemple de plus qu’une société non marchande basée sur la liberté, le partage et la solidarité, c’est possible.
Commission informatique et liberté1 – www.framasoft.net 2 – www.framablog.org/index.php/post/2014/10/07/degooglisons-internet 3 – www.degooglisons-internet.org Cet article est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution - Partage dans les Mêmes Conditions 3.0 France.