Publié le Vendredi 11 février 2011 à 14h39.

Logement : les « voix » parallèles

Face à la dégradation de la situation du logement en France, comme en attestent à la fois le rapport de la Fondation Abbé-Pierre et une étude de l’Insee, le gouvernement maintient sa politique d’accession à la propriété qui est déjà un échec. La présentation du 16e rapport du mal-logement en France par la Fondation Abbé-Pierre confirme le malaise que traverse notre société, et ce à plus d’un titre.Malaise car la crise immobilière et financière mondiale n’est pas finie pour les plus démuniEs et les classes moyennes. La Fondation Abbé-Pierre (FAP) chiffre à 3,6 millions le nombre de personnes non ou très mal logées (à la rue, en habitat de fortune, en location meublée, en logement insalubre, en sur-occupation…). À cela s’ajoutent 5,2 millions de personnes en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme, correspondant à des difficultés relatives au maintien dans le logement. Sans oublier les 90 962 personnes occupant un logement sans droit ni titre à la suite d’une décision d’expulsion, les 1,3 million de locataires rencontrant des difficultés de paiement de loyers (devenus trop lourds pour leur budget), et les 565 000 ménages propriétaires ou accédants ayant des difficultés à payer leurs charges ou leurs remboursements d’emprunts. En tout, ce sont donc plus de 10 millions de personnes qui vivent mal. Enfin malaise car 1,2 million de ménages sont en attente d’un logement HLM et ce chiffre ne cesse d’augmenter.La voix de la Fondation était donc, encore plus que les autres années, un cri d’alarme, un cri de colère, confortée par un document1 que vient de publier la division logement de l’Insee. Cette étude confirme l’augmentation du nombre de mal-logés et l’évolution du mal-logement. Face à cette voix, celle du secrétaire d’État au Logement, Benoist Apparu, a été en total décalage. Il a confirmé la politique d’aide à l’accession à la propriété comme axe principal du gouvernement, mais dorénavant celle-ci ne concerne plus que les 2/3 de la population. Il a d’ailleurs osé affirmer, que jamais le président ou un membre du gouvernement n’avait parlé d’une France du « tous propriétaires ». Il avait raison, il s’agissait de « la propriété pour tous », comme le prouve l’extrait du discours de Nicolas Sarkozy à l’hôtel de ville de Vandœuvre-lès-Nancy, mardi 11 décembre 2007 : « La France que je souhaite sera plus juste en permettant de satisfaire l’aspiration légitime de chacun à accéder à la propriété. Et c’est la dernière étape du parcours résidentiel : la propriété. J’en ai parlé pour les locataires de HLM. Mais tous les Français sont concernés. Je souhaite que tous les Français puissent accéder à la propriété. » La Fondation a rappelé que cette politique d’accession à la propriété, distribuant des aides (prêt à taux zéro +) et « défiscalisant », favorise surtout les entreprises de construction, les agences immobilières et les banques, sans permettre de résorber le mal-­logement. En plus d’être onéreuse, cette politique, en laissant faire le marché, a créé ou renforcé une situation absurde, avec des déficits de construction de logements sociaux et bon marché dans les zones de forte demande et une offre en surplus en zone de faible demande. Ce fait est si criant que l’État a mis en place un « zonage » fixant le niveau des aides distribuées par rapport à l’offre et la demande de logements déjà existantes. Toutefois, le mal est fait et il est très difficile de le corriger. Malgré ces critiques, le secrétaire d’État considère que cette politique n’est pas un échec. Et comme pour l’emploi, il faudrait en attendre les effets… Pourtant, le constat est sans appel. Le nombre de mal-­logés augmente, des ménages jusque-là épargnés sont touchés ; 1,5 million de personnes finissent leur mois grâce à l’aide alimentaire et diverses aides caritatives. Bien que Apparu n’ait cessé de répéter au cours de son discours : « j’entends bien ce que vous dites », à la fondation Abbé-Pierre, il semble qu’il n’écoute pas. Il n’écoute pas cette voix qui pourtant lui apporte des solutions qui permettraient de garantir un logement pour tous. Yannick Henrio1. Insee Première - n°1330 - janvier 2011 : Être sans domicile, avoir des conditions de logement difficiles : La situation dans les années 2000. www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1330