Publié le Jeudi 10 mars 2011 à 21h12.

Logements : l’esprit des lois…

Le 15 mars marque la fin de la trêve hivernale et les expulsions vont recommencer. Alors que le gouvernement méprise les 8 millions de mal-logés, il faut se mobiliser.Pour les 300 000 personnes supplémentaires soumises à l’ISF, l’État s’engage à faire une loi qui soulage ces pauvres contribuables. Mais pas de loi pour les 8 millions de personnes disposant de moins de 949 euros par mois pour vivre ni pour 8 236 000 personnes sans logement, mal-logées ou en situation de fragilité. La priorité, c’est l’ISF et les ministres Baroin et Apparu crient dans tous les médias : « Plus de la moitié des gens assujettis à l’ISF le sont uniquement du fait de l’évolution du prix de l’immobilier. »  Pourquoi arrêter le raisonnement en si bon chemin ? Ces ministres oublient que l’aug­mentation des prix de l’immobilier est le fruit de leur politique du logement qui distribue depuis des années des aides pour l’accès à la propriété et qui défiscalise, favorisant surtout les promoteurs, les entreprises de construction, les agences immobilières, les fonds de pension et les banques privées. Tout est fait pour inciter les ménages, même les plus modestes, à devenir propriétaires. Cette posture idéologique du gouvernement est soutenue par de nombreuses collectivités locales voyant là un moyen de se désengager des politiques de logement. Ainsi sous couvert de la décentralisation, l’État a transféré ses responsabilités aux collectivités locales qui ont alors tout fait pour s’alléger de cette « charge » qu’est la gestion sociale du logement au profit du marché. Le marché est d’ailleurs présenté comme seul capable de répondre aux besoins de construction de logements (besoins estimés à 1 million). L’État et les collectivités abandonnent tout ou partie de leur parc social ou à caractère social. Déjà les organismes sociaux de gestion et de construction se sont transformés le plus souvent en sociétés privées (SA HLM), dont le but n’est plus de loger un maximum de ménages à des loyers abordables, mais de loger les ménages solvables en réalisant les meilleurs profits possibles. Cette idée est aujourd’hui reprise et développée par André Yché de la Caisse des dépôts et consignations (organisme public) pour qui : « Les organismes de logement HLM doivent cesser de penser à leurs missions sociales pour devenir des ‘‘gestionnaires de portefeuilles d’actifs immobiliers’’ ; ils ne doivent pas hésiter à se lancer dans des spéculations foncières et immobilières et empocher au passage de formidables plus-values, à chaque fois que c’est possible. » « C’est ainsi que s’agissant de la production de logements sociaux, dit ce patron d’une société publique, ignorer le stock de plus-values latentes recélées dans le parc de plus de 4 millions de logements (de l’ordre de 200 milliards d’euros) revient à mettre à la charge de la collectivité tout le poids de l’action publique. »1 À terme, le but est de privatiser le secteur social, en vendant le parc existant, puis en finançant la construction des logements sociaux par le privé. La fin du logement socialLe logement social devenant inaccessible aux plus modestes, il ne leur restera plus qu’à s’endetter avec des produits financiers sophistiqués fondés sur l’hypothèque de leur maison. Et voilà la porte ouverte à la spéculation à outrance et aux « subprimes ». Cela favorise alors les opérations immobilières comme avenue Matignon où la société Axa, comme d’autres, laisse pendant des années des immeubles inoccupés pour les revendre à bon prix ; et pour les 100 000 personnes à la rue représentées par Jeudi noir ce fut l’expulsion en pleine trêve hivernale. Car le gouvernement actuel applique les lois de façon très différenciée. Pour réaliser des expulsions, l’État est très rapide, mais il est beaucoup plus lent à appliquer la loi du Droit au logement opposable qui contraint à fournir un logement pour tous, et concerne beaucoup de familles menacées d’expulsion. De même l’État évacue les camps de Roms et fait la chasse aux gens du voyage qui « s’installent n’importe où », mais ne fait pas appliquer la loi obligeant les communes de plus de 5 000 habitants à leur créer des aires d’accueil. Enfin, l’État va jusqu’à se doter au travers de Loppsi 2 de moyens pour détruire les habitations de fortune des 85 000 personnes vivant en cabane, construction provisoire, camping et mobil-home, mais est incapable de fournir, là encore, un logement pour tous. L’esprit de ces lois est guidé exclusivement par l’intérêt de ceux qui les ont créées.Pour lutter contres ces lois injustes, contres les expulsions, contre les logements chers et pour la construction massive de logements sociaux, il faut donc toutes et tous, se mobiliser et participer aux manifestations marquant la fin de la trêve hivernale samedi 12 mars ! Yannick Henrio1. Extraits cités dans l’article de Médiapart du 8 février 2011 : Le logement social, entre privatisation et affairisme.