Publié le Lundi 10 octobre 2011 à 13h58.

Mal-logement : état des lieux

10 millions de personnes touchées de plus ou moins près par le mal-logement, soit environ un habitant sur six… Parmi eux, 3,6 millions survivent dans un logement insalubre, sans sanitaire, surpeuplé, trop cher ; plus d’un tiers sont dans ce que l’on appelle la « zone grise » du mal-logement (hébergement chez un proche, dans une caravane, une cave, un squat…), et vivent chaque jour avec la menace de rejoindre les 130 000 privés de toit de ce pays. 500 000 ménages locataires en impayés de loyer, 70 000 propriétaires en rupture  de remboursement de prêt.Dans les grandes agglomérations, et plus particulièrement à Paris, il est souvent plus difficile d’obtenir un logement que de décrocher un emploi, c’est dire... Et si pour avoir un travail il faut avoir la gueule de l’emploi, il est nécessaire d’avoir la gueule du logement, même pour louer un studio 700 euros/mois en banlieue, car dans ce domaine aussi les discriminations racistes sont criantes.

L’immobilier, un secteur très lucratif  !

On parle souvent de « crise du logement » pour s’émouvoir de la difficulté d’accéder à un logement ou pour justifier des loyers indécents. Il n’y a pourtant pas de crise du logement mais bien plutôt une pénurie de logement ; pénurie organisée par des politiques de construction insuffisantes, de privatisation du parc social ou de subvention des hausses des loyers par les aides sociales qui se retrouvent ainsi dans les poches des propriétaires. Car en l’occurrence, la prétendue « crise du logement » s’avère extrêmement profitable pour les bailleurs, en particulier pour de gros bailleurs privés comme Icade, Dexia ou encore BNP Real Estate.

Deuxième idée fausse et souvent répandue : il s’agirait d’une valeur refuge vers laquelle on se replie en temps de crise économique. Si cela peut être vrai pour de petits propriétaires, c’est en réalité largement faux. La meilleure preuve de la place centrale qu’occupe l’immobilier dans l’économie capitaliste, on l’a eu en 2007. La crise des subprimes, les fameux crédits hypothécaires américains, a été l’élément déclencheur d’une crise économique qui vient de loin certes, mais qui a pour point de rupture l’emprunt immobilier. L’accession à la propriété individuelle est aujourd’hui érigée en modèle, le candidat Sarkozy en 2006 souhaitait même « rendre possible l’accès à la propriété pour tous en développant les crédits hypothécaires », c’est-à-dire les mêmes crédits qui ont conduit l’économie mondiale dans le mur ! Mais au-delà d’une belle leçon de perspicacité politique, le développement d’une politique du logement tourné vers le développement du crédit et l’accession à la propriété privée souligne bien que le logement est un secteur comme un autre de l’économie capitaliste, soumis aux mêmes règles : celle de la rentabilité, celle du taux de profit ! Les revenus de l’immobilier représentent en 2010 au moins 22 % du PIB (10 % en 1959).

Les attaques incessantes contre le logement social témoignent également de l’intérêt que portent les capitalistes à ce gros gâteau de 200 milliards d’euros par an, et le gouvernement actuel aide régulièrement ses amis du Medef à se couper des parts plus grosses : réforme du livret A, ouverture à l’actionnariat d’ESH (Entreprise sociale pour l’habitat) filiale de la Caisse des dépôts et consignation, hausse des loyers dans le secteur social… L’immobilier est donc un secteur très lucratif de l’économie capitaliste, mais ça je crois qu’un certain Engels l’avait déjà écrit…

En chiffres...

Les ménages consacrent en moyenne 25 % de leur budget aux dépenses de logement (20 % en 1984, moins de 10 % en 1960).

Entre 1998 et 2004, alors que le niveau de vie des Français a augmenté de 28 %, les prix de l'immobilier ont grimpé de 86 %.

356  000 constructions en moyenne par an depuis 2000, alors qu’il en faudrait au minimum 500 000 par an. Il manque toujours un million de logements en France.

Recul constant de « l’effort » de l’État pour le logement social : les subventions aux organismes HLM pour la construction d’immeubles sont passées de 716 millions d’euros en 2009 à 270 en 2011. Les subventions foncières sont en baisse d’un tiers en 2010 par rapport à 2008. La loi de finances 2011 a accentué la ponction sur les HLM de 245 millions supplémentaires. Et le « 1% logement » a été volé aux salariés pour devenir la seule source de financement du programme de démolitions de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU, qui annonce d’ailleurs un déficit de 343 millions d’euros).

Logement social, « obéir à la logique d’entreprise »

Pour avoir une approche du logement social de demain, on ne peut que vous recommander chaudement la lecture de l’ouvrage du très informé André Yché sur la question. André Yché n’est autre que le président du directoire de la Société nationale immobilière (SNI) qui n’est autre que le premier bailleur social de ce pays. Avant de vous dépeindre les visions de ce technocrate du social, un rapide portrait de la SNI s’impose : 260 000 logements, dont 180 000 logements sociaux et 80 000 logements intermédiaires, 330 millions d’euros de résultat net en 2010. Monsieur Yché est donc un homme très averti en matière de logement social.

Dans un article du Monde de février 2011, Yché déclare : « ce que j’essaie de montrer, c’est que le modèle HLM avec ses contraintes est en décalage avec un monde où la valorisation foncière et immobilière est la règle ». Rappelons, si c’est utile, que les contraintes du « modèle HLM » sont bien évidemment les loyers moins chers que dans le privé et les revenus précaires des locataires, voilà donc un modèle incompatible avec le capitalisme, une tolérance d’hier qui n’est plus d’actualité aujourd’hui ! Dans le même article, il poursuit : « À terme, tous les groupes d’ESH devront devenir des opérateurs immobiliers globaux d’intérêt général qui obéissent à une logique d’entreprise ». Voilà le secteur social qu’un technocrate comme Yché rêve de nous construire, un monde où le logement social est soumis aux mêmes règles de rentabilité que le privé, où la gestion du parc social est confiée à des groupes privés.

Mais en disant cela, André Yché n’est pas un mouton noir, ni même une brebis égarée sur les pâturages du Medef, Benoît Apparu, ministre du mal-logement, déclare régulièrement que le monde a changé et que les bailleurs sociaux doivent s’adapter. Et cette politique a des conséquences concrètes. Dans le parc dit « social », les hausses de loyers sont très importantes. Les pouvoirs publics, l’État et la région Île-de-France, ont laissé la société Icade vendre 32 000 logements sociaux financés par l’argent public de la Caisse des dépôts et consignation et les loyers des locataires.

Le logement social est au centre du viseur, en particulier sous le quinquennat de Sarkozy. Le logement social représente 200 milliards d’euros par an, ça aiguise les appétits…Sur 111 dossiers DALO  examinés en 2010 dans le 92 : 16 décisions favorables soit pour un logement, soit vers une « structure d’hébergement adaptée » (en 2008, 102 dossiers, 37 décisions favorables)

Vous avez dit social ? 

La loi SRU (le S pour Solidarité !) adoptée en 2000 sous le gouvernement Jospin prévoit un pourcentage de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants (1 500 en Île-de-France). MAIS seules celles comprises dans une agglomération de plus de 50 000 habitants, comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants sont concernées. MAIS les communes concernées peuvent s’y soustraire par le paiement d’une taxe annuelle. MAIS la loi Borloo sur l’ANRU donne la possibilité à certains maires de « déplacer » de l’habitat social d’une commune vers une autre, dans le cas d’une commune au-dessus du quota des 20 % vers une commune en deçà. MAIS un préfet peut décider qu’il n’y a pas d’amende (comme à Nice ou Toulon). MAIS ces 20 % intègrent les logements PLS (prêt locatif social). Social ? Comparaison des plafonds de revenus annuels pour un ménage de deux personnes en région parisienne : PLS 43 000 euros - Plus (prêt locatif à usage social) 33 000 euros - Plai (prêt locatif à financement très social) 20 000 euros.

Blocage des loyers

En pleine bataille pour les primaires du PS, Martine Aubry, Arnaud Montebourg et Ségolène Royal évoquent le blocage des loyers si l’une ou l’un d’eux est élu. La réaction est immédiate. Les défenseurs des bailleurs n’hésitent pas à prédire que ces derniers ne loueront plus, que les logements seront encore plus difficiles à trouver... Pourtant cette mesure n’a rien de révolutionnaire et elle était déjà appliquée, il n’y a pas si longtemps. Aujourd’hui un bailleur ne peut augmenter le loyer (en dehors de la réévaluation annuelle) au moment de renouvellement de bail. En revanche, s’il loue à un nouveau locataire, il peut augmenter le loyer sans limites. Alors que jusqu’en 1997, même en cas de changement de locataire, il ne pouvait y avoir d’augmentation que si le bailleur prouvait que le loyer était manifestement sous-évalué en comparaison des prix pratiqués ou s’il avait effectué des travaux dans les six mois précédents. Cette disposition était comprise dans la loi de 1989 qui spécifiait qu’elle serait applicable jusqu’au 31 juillet 1997. Or quelques mois avant la date fatidique, le PS avait gagné les élections législatives et, avec la majorité au Parlement, aurait tout à fait pu proroger cette disposition. Il ne l’a pas fait et les loyers ont commencé à augmenter dans des proportions considérables.

Un programme d’urgence pour le logement  !

La crise économique, la dette, l’emploi sont des préoccupations centrales aujourd’hui et vont être les thématiques phares de l’élection présidentielle. Mais la question du logement pourrait bien s’inviter… La grève des travailleurs du Samu social de cet été, le procès de l’incendie du boulevard Vincent-Auriol et la mort tragique de six Tunisiens dans un immeuble de Pantin mettent une nouvelle fois en lumière la situation dramatique des privés de logement. Le logement est un besoin de première nécessité, un toit c’est un droit !

Nous devons imposer le droit au logement sur le modèle du droit à l’éducation, c’est-à-dire celui d’un droit égal et garanti pour toutes et tous !

Comme sur d’autres sujets, le NPA défend en matière de logement un programme politique qui porte à la fois des mesures immédiates pour répondre à l’urgence de la situation, et des mesures de rupture avec le capitalisme qui permettent de répondre durablement à la question du mal-logement.

• La première des mesures que nous portons c’est la construction massive de logements vraiment sociaux, car il n’y a pas de réponse satisfaisante au mal-logement sans prendre le mal à la racine, sans mettre fin au manque de logement. • Mais en même temps il faut imposer immédiatement : - des mesures d’urgence comme l’arrêt des expulsions et l’application de la loi de réquisition. Nous défendons l’arrêt des expulsions car c’est une violence sociale inacceptable, et comment comprendre que l’État qui a trouvé des milliards d’euros pour sauver les banques laisse des familles se faire jeter à la rue ? L’application de la loi de réquisition est également une mesure d’urgence à porter dans les mobilisations car c’est une mesure accessible (loi de 1945) et réaliste (il y a plus de 2 millions de logements vides). C’est une mesure d’urgence mais également de rupture car c’est une incursion dans la propriété privée, et elle porte l’affirmation qu’un toit est un droit fondamental. - La mise en place d’un grand service public du logement sous contrôle de la population, afin d’avoir une gestion socialement et écologiquement cohérente du parc social. Aujourd’hui dans la seule région Île-de-France, il y a plus de 140 bailleurs sociaux, ce qui constitue un véritable maquis, incontrôlable par les populations et au développement déconnecté des besoins sociaux. - La loi SRU qui impose un minimum de 20 % de logements sociaux doit être appliquée sous peine de non-éligibilité des maires et elle doit être modifiée pour servir vraiment à construire partout des logements accessibles, en imposant un pourcentage de logements sociaux dans tout programme de construction. - Interdire la vente des HLM et arrêter l’infernale spirale des copropriétés dégradées passant sous la coupe de marchands de sommeil. - Le plafonnement des loyers à hauteur de 20 % des revenus car on ne doit pas se faire ponctionner la moitié de ses revenus pour avoir un toit sur la tête. Un toit c’est un droit !

Wanted ! La loi de réquisition

Deux millions de logements vides (depuis au moins deux ans), 40 millions de mètres carrés de bureaux vides (dont 2 millions à Paris – mais on en construit des nouveaux en banlieue !). Depuis 1945, une loi1 prévoit leur réquisition. Essayez de la faire appliquer, vous devenez hors-la-loi ! Chassés violemment par la police, comme Jeudi noir place des Vosges, puis avenue Matignon, parmi les exemples de réquisition les plus connus – sans doute parce qu’ils montraient ces lieux de luxe et de pouvoir, dont la vacance spéculative dit bien tout le mépris des gouvernants.Des dizaines d’immeubles sont ainsi occupés partout en France pour avoir un toit et pour obtenir leur réquisition. Deux exemples qui montrent que désobéir2 peut faire bouger les lignes :En février 2009, six appartements de fonction, laissés vides par La Poste depuis 2002, ont été réquisitionnés par un collectif d’organisations de Saint-Denis pour y installer des familles sans logement. Le maire a alors pris un arrêté de réquisition légalisant ainsi l’occupation. La Poste et la préfecture ont engagé une procédure contre l’arrêté pris par le maire et ont obtenu son annulation. Puis ils ont engagé une procédure contre les familles installées dans l’immeuble de La Poste. En juillet 2010, la justice a accordé des délais tels qu’ils permettaient de rester dans le logement au moins un an de plus, justifiant ces délais pour permettre aux services de la préfecture d’intégrer ces familles dans le plan de relogement. À Toulouse, un immeuble en centre-ville, place Anatole-France, a été occupé pendant plusieurs mois, en 2009. Le combat du DAL, des Enfants de Don Quichotte, soutenus entre autres par le NPA, a obtenu que la ville achète ce bâtiment pour y faire une quinzaine de logements très sociaux. 1. Modifiée ainsi en 2006 : « […] le représentant de l’État dans le département peut procéder, par voie de réquisition, pour une durée maximum d’un an renouvelable, à la prise de possession partielle ou totale des locaux à usage d’habitation vacants, inoccupés ou insuffisamment occupés ». 2. Désobéir pour le logement, dans la collection des Désobéissants, indispensable, 5 euros, 60 p.