Cette année, les maires ne mettent pas en avant la crainte de perdre des subventions du conseil général PS pour décliner notre demande de parrainage. Et pour cause, la réforme territoriale impose de nouveaux regroupements de communes auxquels beaucoup de compétences dévolues aux communes, et nécessitant des subventions, ont été transférées. Et pour de nombreux élus comme pour nous, c’est l’inverse d’une avancée démocratique. Ces communautés mises en place par le préfet lorsque le processus n’allait pas assez vite et imposées aux récalcitrants, aboutit à des machines, plus ou moins importantes (jusqu’à 62 voire 89 communes) qui ne peuvent fonctionner que par le travail d’un appareil technocratique non élu et souvent opaque. Les maires sont convoqués pour ratifier les décisions dans des grand-messes où l’expression de la moindre divergence est malvenue et particulièrement difficile pour les élus des petites communes qui n’ont qu’un accès très partiel aux dossiers qui leur sont soumis. Beaucoup de ces maires se sentent instrumentalisés au profit de ceux des communes les plus importantes, et dénoncent l’éloignement des centres de décisions par rapport aux électeurs. Ce nouveau dispositif les met en contradiction avec leur motivation à s’engager dans leur commune sous le contrôle de fait de leurs électeurs qui sont avant tout leurs voisins.
De nombreux élus expriment leur déstabilisation face aux évolutions sociologiques de leurs villages ruraux. En effet, à cause des hausses de loyers, ces villages deviennent de plus en plus les refuges de familles qui ne peuvent plus payer dans les centres urbains, en même temps que le nombre d’agriculteurs (et de salariés agricoles) ne cesse de diminuer. Dans certains cantons, on constate ainsi un renouvellement de 60 % de la population ces dix dernières années. Ce qui se traduit par de nouveaux besoins. De jeunes ménages arrivent dans des villages où les écoles ont été fermées, avec des besoins de garde, d’activités périscolaires et de loisirs, surtout lorsque les parents travaillent en ville. À leur côté, des personnes vieillissent loin de leurs familles mais aussi de dispositif d’assistance que les communes n’ont pas les moyens de financer. Pour les élus, la casse des services publics c’est donc au quotidien des demandes impossibles à satisfaire ou des mobilisations à essayer d’organiser contre la fermeture d’une classe ou d’une poste. Le démantèlement de l’hôpital public se traduit par des dizaines de kilomètres et un changement de département pour un traitement de chimiothérapie ou une opération lourde. Des exemples de ce type, ils en ont en pagaille à nous citer.
Enfin, plusieurs élus nous font part de leur désarroi face à la montée de la misère. Dans des régions où l’agriculture est devenue une affaire de grandes propriétés avec des agriculteurs qui doivent être capables aussi bien de réparer des machines automatisées que de suivre à la Bourse les cours des produits agricoles pour vendre leur production ; où toutes les industries autres que l’agroalimentaire ont fermé les unes après les autres, laissant les anciens ouvriers au chômage ou en préretraite avec des pensions minables ; où les services publics emploient de moins en moins de salariés, la misère se développe. Des maires font état de menaces de coupures d’eau ou d’électricité qui se multiplient dont les avis arrivent en mairie pour demander s’il y a des procédures d’aides en cours pour permettre aux gens de régler des dettes souvent minimes. Autant de processus qui désagrègent les anciens cadres de solidarité qui existaient, et provoquent des tensions difficilement gérables pour les maires vers lesquels les gens se tournent en dernier recours. Et les élus ont vraiment le sentiment d’être très seuls et totalement démunis, incapables de trouver des solutions ni même de faire entendre leurs problèmes. De quoi donner des raisons de parrainer Philippe Poutou qui veut porter ces thèmes dans la campagne électorale.
Cathy Billard