Malcolm X n’était pas prédestiné à devenir un leader politique. Si nous devons tirer des enseignements de son parcours, il faut partir du constat que la figure de Malcolm X en éclipse deux autres. Celle qui la précède et celle qui lui succède.
Malcolm Little
Il naît Malcolm Little le 19 mai 1925. C’est un Afro-Américain ayant grandi dans le Sud avec tout ce que cela sous-entend d’héritage de l’esclavage et de peur viscérale du Ku Klux Klan.
Dans son autobiographie relatée par Alex Haley, Malcolm se décrit comme à part dans sa fratrie en raison de sa peau plus claire et de ses cheveux roux. Il fait donc l’analyse, à demi-mots, que le colorisme le situe différemment parmi les siens.
Pourtant, adulte, il connaîtra le destin de nombre d’Afro-Américains, fait de débrouillardise et de deal, ce qui le conduira en prison. Malcolm appartient au lumpenprolétariat, à la part du prolétariat qui est à la fois la plus pauvre et la moins encline à s’organiser pour une transformation révolutionnaire de la société. Celle qui, à en croire Marx ou Trotski, est plus susceptible de pencher du côté de la réaction. En marxistes, nous nous interrogeons donc sur ce qui, de là où il est au moment d’entrer en prison, a conduit Malcolm X à devenir une figure révolutionnaire.
Malcolm X
Alors qu’il est en prison, les frères et sœurs de Malcolm tous convertiEs, envoient l’un d’entre eux pour le convertir à son tour aux préceptes de la Nation of Islam, en donnant un sens politique à sa condition. Il lui parle du « diable blanc », de l’histoire des Afro-Américains et d’islam. Son parcours a tous les traits d’un parcours de radicalisation semblable à celui de djihadistes ou d’un Kemi Seba. Précisément parce qu’il s’agit d’une radicalisation à la fois politique et religieuse.
Malcolm Little devient porte-parole de Nation of Islam. Il abandonne son nom de famille hérité de l’esclavage et le remplacera par un X, marque du caractère inconnu du nom de ses ancêtres africains. Il devient une figure de premier plan dans le cadre du mouvement des droits civiques dans lequel il porte une voix radicale. Nation of Islam prône un nationalisme noir et un séparatisme racial. Toutefois, les relations entre lui et le chef de Nation of Islam s’enveniment jusqu’à l’amener à s’en éloigner définitivement.
Malik al-Shabbazz
Malcolm X se rapproche de l’islam sunnite et adopte une démarche plus internationaliste, empreinte de socialisme et de panafricanisme (dont son père était proche). Il fait le pèlerinage à La Mecque et prend le nom d’Al-Hâjj Mâlik al-Shabazz (il utilisait déjà le pseudo Shabazz auparavant). Il ne survit malheureusement pas plus d’un an à sa séparation d’avec Nation of Islam et est tué le 21 février 1965 un peu avant son 40e anniversaire.
Le parcours de Malcolm X est celui d’un militant sorti d’une condition des plus précaires et politisé sur des bases réactionnaires. Mais son parcours s’achève précisément là où on voudrait qu’il commence, sur une voie révolutionnaire. Ce que nous pouvons en tirer, en militantEs, c’est la nécessité d’avoir des relais dans toutes les couches de notre classe, afin d’être aptes à faire partir nos luttes de ses marges.
Stéphane Waha