Publié le Mercredi 5 juin 2024 à 11h46.

Alliance européenne du nucléaire : une voie sans issue !

En mars dernier, lors du premier Nuclear Energy Summit, 14 États membres1 de l’Alliance européenne du nucléaire créée en 2023, ont réaffirmé « le rôle essentiel de l’énergie nucléaire » dans la lutte contre le réchauffement climatique et mis au point la nouvelle narration pour justifier le choix du tout-nucléaire.

Ni SMR ni EPR

La coopération industrielle dans l’Union européenne bat son plein, avec une quarantaine de projets de SMR, « petits réacteurs modulaires ». Le but affiché est la neutralité carbone d’ici 2050 ; en réalité, tout est mis en œuvre pour doper la filière nucléaire au détriment des énergies renouvelables (EnR). Les arguments ressassés à l’envi comme des mantras sont enrobés d’un discours scientifique se voulant inattaquable. Ce dogme suicidaire est aux antipodes du débat démocratique indispensable pour répondre aux enjeux climatiques, énergétiques, sociaux de ce siècle.

Comment imaginer que le nucléaire puisse être une solution puisqu’il fait partie du problème ? Les pro-­nucléaires le reconnaissent eux-mêmes : « La surgénération, les réacteurs au thorium et à neutrons rapides, la fusion nucléaire ne pourront éventuellement déboucher sur des réacteurs opérationnels avant de très nombreuses années et vraisemblablement des décennies »2. Hors délai, donc !

Quant aux SMR, nouvelle pompe à subventions des start-up du nucléaire, ils reposent sur des technologies « innovantes » non éprouvées ou copiées sur celles des porte-avions et sous-­marins à propulsion nucléaire (le militaire toujours de la partie). En France, le projet-phare Nuward, lancé en 2019, prévoit un premier SMR opérationnel en 2035. Ce n’est qu’un affichage marketing : le seul SMR homologué à ce jour dans le monde, aux USA, a été abandonné fin 2023. Petits SMR, EPR, ITER, quelle que soit la formule vantée pour les gogos, le nucléaire ne peut être la solution du fait de sa vulnérabilité aux aléas climatiques, des longs délais de construction, de la raréfaction de l’uranium, de l’extrême dangerosité de sa technologie, de la société policière qu’il induit3.

Encore une impasse dans l’Europe capitaliste

Selon l’Agence internationale de l’Énergie, la puissance des EnR mises en service en 2023 dans le monde (507 gigawatts, 50 % de plus qu’en 2022) correspond à celle de 300 EPR. Le photovoltaïque (75 % des EnR) est de plus en plus performant et la part d’électricité nucléaire poursuit son déclin : de 17,6 % en 1996 à 9,2 % aujourd’hui.

Lutter contre le dérèglement climatique impose de développer l’efficacité énergétique, de viser la sobriété énergétique, de promouvoir les EnR. Il n’y a pas d’obstacles techniques insurmontables : tout repose sur la volonté politique4. Pour cela, la mise en place d’un service public de l’énergie géré démocratiquement dans le cadre d’une planification écosocialiste prévoyant les besoins et les moyens de les satisfaire est indispensable.

  • 1. 12 pays signataires (Bulgarie, Croatie, République tchèque, Finlande, France, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède) et 2 observateurs (Italie, Belgique).
  • 2. « Douze pays européens appellent la Commission à soutenir enfin le développement des petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) », revue Transition et énergie, novembre 2023.
  • 3. Voir l’Anticapitaliste n° 664.
  • 4. Dossiers l’Anticapitaliste n° 592 et n° 632.