Publié le Dimanche 8 novembre 2015 à 10h18.

Nucléaire : la fuite en avant vers la catastrophe

À quelques jours d’intervalle fin octobre, EDF, par la voix de son PDG Jean-Bernard Lévy, a annoncé coup sur coup une alliance avec la Chine pour construire deux EPR au Royaume-Uni et un renouvellement du parc nucléaire par des EPR « nouveau modèle » à compter des années 2030 jusqu’à 2050-55.

À quelques semaines de l’ouverture de la COP21, ces deux communications viennent en appui de l’extraordinaire et coûteuse opération publicitaire engagée par l’entreprise avec comme objectif de présenter le nucléaire civil comme un – sinon le – remède au réchauffement climatique.

Une énergie sûre et bon marché ?

La publication – difficile car bloquée par le gouvernement – du dernier rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), rapport démontrant qu’en France le 100 % renouvelable est possible à condition de baisser la consommation électrique, impose donc à EDF une communication hâtive concernant l’EPR anglais, et non maîtrisée à propos du renouvellement du parc français... Alors que les deux réacteurs actuellement en construction par EDF et Areva sont durablement enlisés, comment un EPR soi-disant « nouveau modèle », qui n’existe encore que sur le papier, est-il censé se développer aussi vite ?

Lévy reconnaît qu’en construisant le parc nucléaire civil dans les années 70 et 80, l’État et EDF n’ont jamais anticipé – et donc budgété – son remplacement. Alors que les 2/3 de nos centrales ont déjà atteint leurs trente années de fonctionnement, il prévoit de les maintenir jusqu’à « 2050-2055 »... le temps de construire des EPR de remplacement. Lorsqu’on connaît le coût exorbitant de mise à niveau des réacteurs pour les pousser jusqu’à 40 ans d’activité, on laisse imaginer la facture qui s’ajouterait à celle de la construction des EPR. Et peut-on sérieusement envisager de pousser nos réacteurs jusqu’à 60 ou 70 ans d’activité sans mettre en danger les populations et les travailleurEs du nucléaire ?

Une nouvelle démonstration, s’il en était besoin, qu’on nous ment depuis 50 ans, en disant que le nucléaire est une énergie bon marché...

Une vision du siècle dernier

L’entreprise connaît déjà une situation critique : 37,5 milliards d’euros de dettes, rachat prévu des activités réacteur d’Areva, dépense de 55 milliards au minimum à prévoir pour le « Grand carénage », explosion du coût de l’EPR de Flamanville... Comment compte-t-elle trouver les financements nécessaires sans appeler l’État au secours... et donc répercuter les surcoûts sur la facture des populations ?

Seule réponse d’EDF qui met en avant l’accord avec la Chine : se placer dans une situation de dépendance en recourant à d’autres investisseurs. Mais ce schéma n’est pas aussi simple que le laisse entendre Lévy. Dans cet accord, EDF va devoir financer l’investissement sur fonds propres « au moins dans une première étape », a annoncé le PDG. Ce qui signifie qu’il va devoir mobiliser des capitaux financiers supplémentaires. « Cela implique des cessions », a-t-il reconnu après le retrait d’Areva et de potentiels investisseurs de pays du Golfe.

Cette vision, digne du siècle dernier, comme le relève le réseau Sortir du nucléaire, passe outre la loi qui vient d’être votée de réduire à 50 % la part du nucléaire dans la production d’électricité. C’est la véritable fuite en avant d’une industrie chère et dangereuse qui compte, une nouvelle fois, passer en force comme elle le fait depuis 50 ans.

À l’inverse, profitons plutôt du vieillissement de nos centrales pour les fermer définitivement, et engager dès maintenant une politique de baisse de la consommation d’électricité et le développement des énergies renouvelables.