Publié le Jeudi 1 novembre 2018 à 10h49.

La crise qui vient

Le pire n’est probablement pas derrière nous… 

Le quantitative easing comme arme fatale

Dans le but de stimuler l’économie, le quantitative easing (QE) est une politique monétaire dite non-conventionnelle d’injections de liquidités via un programme de rachat de dettes par les banques centrales. C’est la version moderne de la vieille planche à billets, sauf qu’avec le QE, l’argent tombe directement dans les poches des banques. Initiée par la FED, elle a été suivie et même dépassée par la BCE, avec la distribution de 4,621 milliards d’euros, soit environ 41,4 % du PIB de la zone euro. La FED, avec d’infinies précautions, commence à dégonfler son bilan et se fait tancer par Trump, qui craint un ralentissement économique. Les marchés financiers sont devenus dépendants de l’argent facile et personne ne sait comment le sevrage va être supporté.

La dette : une arme de destruction massive

Le coût de la crise se manifeste essentiellement par la croissance exponentielle des dettes, comme si cet endettement massif était une condition indispensable d’une croissance, pourtant atone. Tous les manuels d’économie classique vilipendent la création monétaire « ex nihilo » et le recours massif à la dette, avec l’exemple cauchemardesque des années 1930. Pourtant, les dettes globales sont plus élevées qu’en 2008 et ne sont pas moins risquées. La Deutsche Bank inquiète toujours. L’ensemble des formes de dettes aux États-Unis représentent 352 % du PIB et dépassent 20 000 milliards de dollars. Selon le FMI, le montant de la dette mondiale vient d’atteindre le pic de 164 000 milliards, soit 225 % du PIB. Le FMI sonne le tocsin, effrayé par sa progression géométrique ininterrompue depuis dix ans, ce qui s’apparente pour les États à une fuite en avant. 

La financiarisation : une bombe à retardement

À l’échelle mondiale, entre 20 000 et 30 000 milliards de dollars sont placés dans les paradis fiscaux. En Europe, c’est environ 1 000 milliards d’euros qui s’évadent chaque année et manquent pour financer investissements, infrastructures et la protection de l’environnement. Ces distorsions financières massives ont été un des éléments déclencheurs de la crise financière de 2008. En dépit des promesses solennelles des États, rien n’a changé. Le « shadow banking », ces zones obscures des banques, sont toujours présentes, 10 ans après Lehman. Les banques poursuivent leur « business as usual ». Les pouvoirs économico-politiques ont migré des institutions représentatives vers des organes technocratiques indépendants, les banques centrales, et surtout vers un maquis de structures transnationales. Cette abdication est sévèrement sanctionnée électoralement partout et les régimes qui s’installent provoquent encore plus d’instabilité. La dette de l’Italie, 3e économie de la zone euro, est à deux doigts d’entrer dans la catégorie des « junk bonds » (obligations pourries).

Le capital fictif : explosif 

Les milliards qui circulent entre les places financières ne sont que le signe de la tentative désespérée des capitalistes de pré-valider le procès de valorisation du capital dans le but déclaré d’amplifier la croissance et d’étendre le marché mondial. L’échec est total et augure mal du prochain épisode. Ce capital fictif, c’est de l’argent déconnecté de la marchandise, on peut l’acheter, le vendre, spéculer dessus, on est alors dans la fiction de l’argent qui engendrerait de l’argent. Marx l’appelle « fictif », dans la mesure où il ne représente pas de l’argent réel, avec des contreparties, mais seulement la possibilité, l’espoir de gagner plus d’argent.

La croissance du capital fictif donne l’illusion, pendant un certain temps, que l’argent peut s’auto-valoriser sans médiation. Mais tout titre est finalement évalué en fonction du risque qu’il contient par rapport au profit potentiel qu’il engendre. Si bien que le doute sur les possibilités de valoriser tous ces capitaux se renforce avec l’accroissement de leur masse mise en circulation. C’est la formation d’une « bulle », déconnectée des profits réels, qui ne peut qu’éclater. C’est alors le « krach », une crise boursière, une purge de ce capital fictif. Une crise financière va éclater à nouveau, d’une plus grande ampleur, demain ou plus tard... et elle entraînera une profonde récession économique.

LF