Entre fichiers illégaux, conseils de discipline, absence de primes Covid-19, l’entreprise RATP n’est pas en reste pour construire un monde d’après, bien identique à celui d’avant.
Le 19 mai, Mediapart révélait l’existence d’un fichier illégal au centre de bus Bords-de-Marne (Seine-Saint-Denis) qui recensait « de façon méticuleuse tous les aspects de la vie au travail de 900 machinistes-receveurs » comme sont appelés les conducteurs de bus de l’entreprise.
Pression organisée sur les salariéEs
Ce n’était que le « premier » et, depuis, ce sont trois autres fichiers du même style qui ont été révélés par Mediapart et l’UNSA, qui font état de cette même pratique dans d’autres dépôts de la région parisienne, avec certaines informations remontant jusqu’à 2011. Au total, plus de 3 000 agentEs sur les 14 000 conducteurEs de la Régie sont concernés. La direction annonce que ces pratiques sont le résultat « d’initiatives locales » qui ne sont pas systématiques. Cela commence pourtant à faire beaucoup, et ce n’est pas l’illégalité qui les arrête. Ces affaires viennent révéler un fonctionnement bien répandu dans les entreprises, visant à faire pression sur les salariéEs pour leur commission d’avancement, ainsi qu’à repérer et donc surveiller les grévistes, les malades et les conditions familiales des uns et des autres. Si la direction tente de se donner bonne figure en suspendant de ses fonctions le directeur du centre bus Bords-de-Marne et en lançant un audit interne dans l’entreprise, il n’y a rien à attendre de ces mesures qui se contenteront de « tasser » ces affaires. En effet, c’est un besoin du patronat que de surveiller ses salariéEs d’autant plus quand ces dernierEs ont été en première ligne de la grève de cet hiver et n’ont pas hésité à user de leur droit de retrait au début de l’épidémie pour exiger le minimum de mesures sanitaires.
La répression à la RATP ne s’arrête pas là
Entre la fin de la grève et le début de la crise sanitaire, la direction avait trouvé le temps de suspendre pendant deux mois Yassine et Patrick de Vitry, après avoir imposé une mutation disciplinaire à un autre militant de la grève, François, qui avait attenté à ses jours à cause des pressions de la direction. Mi-juin c’était au tour d’Ahmed, conducteur de bus au dépôt de Flandres, délégué CGT et figure de la grève de cet hiver, de passer en conseil disciplinaire. Il échappe à la révocation grâce à la mobilisation. Mais il écope de deux mois de mise à pied, ce qui reste inacceptable. Il est accusé d’avoir orchestré le blocage de son dépôt : mais c’est bien la grève qui a impacté le trafic des bus. Et ce ne sont pas les « machinations » d’un machiniste-receveur qui ont organisé le blocage du dépôt mais la manifestation d’une solidarité interprofessionnelle dans la lutte contre cette sale réforme ! La semaine prochaine c’est au tour d’Alex, qui risque gros lui aussi puisque la direction alourdit son dossier à charge à chaque étape.
Le rassemblement de soutien à Ahmed avait un goût de retrouvaille entre grévistes, il faudra que celui pour Alex soit aussi important car « attaquer l’un d’entre nous, c’est nous attaquer touTEs ! »
Un service public n’a pas à être rentable
La direction de la Régie tente de faire taire celles et ceux qui ont relevé la tête cet hiver pour donner une leçon à l’ensemble du monde de travail. La période du confinement a montré une fois de plus que les salariéEs de la Régie étaient en première ligne avec au moins 9 décès dus au Covid et des dizaines de contaminéEs. Pourtant, ils n’auront pas le droit à la prime ! Tout cela dans un contexte où Pécresse annonce l’arrêt du financement de la RATP et de la SNCF, sous prétexte de déficit trop important, une opération politique pour la présidente de la région qui risque de coûter cher aux salariéEs et aux usagerEs des transports en commun ! Un service public n’a pas à être rentable, c’est précisément cette logique de rentabilité que les soignantEs n’ont cessé, et continuent, de dénoncer.
Des raisons de reprendre les rails de la lutte, il n’en manque donc pas !