Publié le Lundi 19 février 2024 à 18h00.

Comment est née la République française ?

« Les révolutions ne sont pas des jeux d’enfants ; pour épargner quelques larmes à l’aristocratie, nous ferons couler des torrents de sang aux patriotes ; car si jamais les loups et les tigres qui sont enfermés et qui ne peuvent plus nuire au peuple recouvrent la liberté, il faudra faire la guerre contre eux pour les détruire ; le sol de la République sera ensanglanté de toutes parts et la révolution, prête à s’achever, rétrogradera d’un siècle. »

Lettre d’une société populaire de Saône-et-Loire aux Jacobins de Paris, août 1794

Les décisions d’abolir la monarchie puis de passer à un régime républicain, prises en septembre 1792, ont été suivies par le procès du roi et son exécution en janvier 1793, et enfin par l’adoption d’une Constitution républicaine en août 1793. Ces décisions successives ont contribué à un tournant majeur de l’histoire du pays. Pourtant, avant 1789, opposer l’idée de république à celle de monarchie n’était pas au cœur de la vie politique française, loin de là. Ces notions venues de l’Antiquité n’étaient présentes que dans des milieux savants.

Les intenses luttes sociales de la fin des années 1700 portaient plutôt sur les prix des céréales, sur les prélèvements seigneuriaux et ecclésiastiques, sur les usages communaux mais aussi sur l’inégalité des conditions entre les « sujets » du roi. C’est pour régler leurs comptes sur tous ces plans que les Français de 1789 ont dû sortir du régime monarchique : l’adoption de la République a directement découlé de la radicalisation de leurs revendications. Ce véritable saut dans l’avenir a lui-même donné plusieurs sens nouveaux au terme de « république », qui garde cependant sa cohérence dans une expression aussi courante que fondamentale : « on est en république, non ? »

La fin de la monarchie absolue de droit divin

Le régime en place jusqu’en 1789 était une monarchie absolue de droit divin, un bricolage politico-religieux qui remontait aux années 1600, sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIV. Ce régime absolutiste, hyper autoritaire, était ensuite devenu largement dominant en Europe même si, depuis les révolutions des Pays-Bas et d’Angleterre, il coexistait avec quelques très rares régimes parlementaires : au fond, Charles Ier d’Angleterre a été décapité dès 1649, plus d’un siècle avant la Révolution française. Mais, avant 1789, être gouverné autrement que par un roi absolu était encore une bizarrerie, qui supposait de très petits États, comme la république de Genève, ou bien des colonies révoltées, comme les treize états unis de l’Amérique du Nord (1770-1790). Même dans ce dernier cas, beaucoup des contemporains ont craint (ou espéré) que ces États-Unis forment finalement un nouveau royaume, sous l’autorité d’un personnage d’autorité comme George Washington.

En France, la liquidation de la monarchie absolue est amorcée par le régime monarchique lui-même, qui tente une première procédure électorale pour se sauver d’une faillite financière. Louis XVI et son ministre Necker cherchent une façon de forcer les Ordres privilégiés (le haut-clergé et la noblesse) à enfin payer l’impôt, ce qui permettrait de réviser tout le système fiscal. Pour cela, ils décident de s’appuyer sur la grande masse de la population (le tiers-état). La monarchie convoque donc des états généraux, élus par ordres, et propose la rédaction de cahiers de doléances, qui seront adoptés dans les réunions électives. Cette procédure très large suscite d’immenses espérances. En cherchant à réunir un consensus, la monarchie a permis l’enthousiasme pour ses réformes. S’appuyant sur la toute nouvelle liberté de la presse, les états généraux se transforment en Assemblée nationale constituante, qui affirme son pouvoir en face de celui du monarque. Lorsque la cour tente de reprendre le contrôle du processus, la population se mobilise, croyant défendre le projet royal. Elle cherche à s’armer et prend les Bastilles, à Paris comme en province.

Le pouvoir se dédouble donc avec l’apparition d’autorités locales élues et de milices territoriales qui deviendront les gardes nationales. Ces dernières élisent leurs cadres et forment un genre d’armée citoyenne, ce qui va mettre en crise à son tour la vieille armée royale, formée de mercenaires sans aucun droit. En quelques semaines, une vie politique intense se met en place. En participant à une succession de réunions électives et d’émeutes, la masse des Français·es s’éduque politiquement et, en trois années, on assiste à un retournement de son état d’esprit. On glisse d’un soutien presque universel donné au roi réformateur de 1789 vers une critique de moins en moins respectueuse de la politique réelle menée par la monarchie.

Le roi et la persistance des aspirations à l’absolutisme

Malgré l’abolition des privilèges symboliques et la mise en en place théorique d’un régime constitutionnel, le vieil État absolutiste subsiste et continue donc de protéger les privilèges matériels des Ordres privilégiés, comme avant 1789. Chaque été, des manifestants de plus en plus décidés refusent le paiement maintenu des droits féodaux et des dîmes. Le noyau dur de la monarchie absolutiste s’est reconstitué autour du couple royal. Plusieurs complots témoignent de leur projet de rejoindre les armées royales et les officiers nobles rassemblés sur les frontières, pour rentrer en force à Paris et rétablir l’absolutisme. En juin 1791, la famille royale s’enfuit finalement pour de bon, dans une tentative de reprendre le pouvoir. C’est le réseau des autorités locales élues et des gardes nationales qui met en échec ce complot. La voiture royale est bloquée à Varenne. Les souverains sont ramenés à Paris par la force publique et des centaines de milliers d’habitant·es viennent, en silence, regarder passer le convoi.

Au fond, la tentative royale est une réédition d’une méthode mainte fois employée par le passé pour écraser les oppositions et consolider la monarchie. Mais, cette fois, elle est perçue comme un geste criminel. C’est à ce moment que s’organise une première campagne de pétitions républicaines qui réclame la déchéance du roi et prend un caractère de masse essentiellement à Paris. Mais l’Assemblée en place depuis 1789 est terrorisée par toute montée des mouvements sociaux. Elle reste déterminée à maintenir sa « monarchie constitutionnelle ». Si le principal « club » politique, celui des jacobins, scissionne sur cette question, la majorité parlementaire tient bon, appuyée par la municipalité parisienne. Le commandant de la Garde nationale, Lafayette, fait tirer sur la foule des pétitionnaires rassemblés le 17 juillet sur le Champ de Mars. Cette fusillade meurtrière décapite la protestation républicaine dont les animateurs, comme Marat, doivent plonger dans la clandestinité.

Une nouvelle assemblée élue, la Législative, se réunit en octobre 1791 pour prendre la suite de la Constituante. Elle veut consolider le régime et, pour cela, se rallie presque unanimement au projet de déclencher une guerre contre les royautés européennes. Mais ce projet est contradictoire : pour la majorité de l’Assemblée, il s’agit de remporter une victoire militaire qui permettrait de stabiliser la monarchie constitutionnelle ; mais la Cour, de son côté, sait parfaitement que l’armée est en pleine décomposition, hors d’état de gagner quelque guerre que ce soit. Le but des monarchistes est bien de perdre cette guerre, pour rétablir l’absolutisme avec l’aide des armées européennes. Le roi et la reine jouent chacun leur rôle dans cette politique contradictoire, en corrompant une série de dirigeants (Mirabeau) et entretenant une correspondance secrète avec les cours européennes. La prolifération de discours chauvins fait le reste et permet de mobiliser l’opinion « patriote » tout en camouflant la réalité des projets.

Robespierre est presque le seul à plaider contre le déclenchement de la guerre, en expliquant qu’elle ne peut déboucher que sur une dictature militaire. Alors que comme chaque été les mouvements paysans de 1792 continuent de s’attaquer aux châteaux, l’armée de l’Ancien Régime connaît une accumulation de désastres. Les frontières du nord et de l’est sont enfoncées, et les généraux impériaux menacent officiellement Paris de destruction si on touche à la personne du roi.

La seconde révolution

Les sections parisiennes, la municipalité, les clubs patriotes et globalement la sans-culotterie parisienne se cabrent. Les républicains refont surface, dénoncent la trahison royale et proposent un projet politique immédiat : seule une insurrection populaire bien organisée peut transformer la peur de la population en colère active. À Paris, le 10 août 1792, les sections insurgées débordent les défenseurs du palais des Tuileries et balaient la monarchie. Le roi, « suspendu », se retrouve en prison. C’est la seconde révolution. De nouvelles élections sont immédiatement organisées pour former une nouvelle assemblée, la Convention, qui recevra les pleins pouvoirs pour régler le sort du roi et rédiger une nouvelle Constitution. Les assemblées de citoyens qui, à partir du 26 août, élisent la Convention puis les administrations locales, s’expriment très librement, adoptent de multiples revendications et pratiquent des formes inédites de démocratie directe. Une nouvelle fois, comme en 1789, l’articulation entre insurrections et élections a fonctionné.

De fait, les membres de la nouvelle Convention ont un niveau d’expérience politique très supérieur à tout ce qui avait précédé, mais la complexité des conflits qui traversent le pays est elle aussi inédite. Depuis 1789, une politisation nouvelle s’est construite dans les villes et les régions, avec une accumulation de conflits sociaux mais aussi religieux. Le clergé a connu un schisme aboutissant à la coexistence de deux églises distinctes. L’une est basée sur l’élection des évêques et des curés, voire favorable au mariage des prêtres, l’autre est ultra traditionaliste et fidèle au pape. Cette crise religieuse divise toute la société mais libère aussi un espace pour celles et ceux qui ne se reconnaissent dans aucun culte.

De leur côté, celles et ceux qui vivent de leur travail, la sans-culotterie urbaine mais aussi les ouvriers agricoles, réclament la création de greniers d’abondance, le retour d’un approvisionnement régulier à bas prix, des secours aux faibles et aux vieux, des écoles élémentaires… Confrontée à des conflits qui lui échappent, la Convention commence à se diviser politiquement sur la façon de mener la guerre, sur le sort du roi puis sur l’organisation politique du futur régime républicain et sur le régime social qu’il implique…

La mort du roi

Réunie depuis le 20 septembre 1792, la Convention assume le fait qu’elle ne gouverne déjà plus une monarchie mais une république. Au même moment, les troupes rassemblées à la hâte réussissent pour la première fois à « tenir » sous la canonnade, à ne pas s’enfuir. C’est à peine une victoire symbolique qui a lieu à Valmy, également le 20 septembre, mais qui est suivie le 6 novembre par une réelle victoire militaire à Jemmapes, aux portes de la Belgique. Il a donc été possible de battre les forces des austro-prussiens : une armée nouvelle est en formation, qui réunit les restes des unités de l’armée royale et les « volontaires » issus des gardes nationales. C’est le début d’une politique de reconstruction étatique que la Convention va étendre à toutes sortes de domaines : à peine réunie, le 25 septembre 1792, elle décide ainsi de la création d’un état-civil laïc, avec mariage civil et droit au divorce, puis adopte l’égalité successorale entre les enfants d’une même famille. Des mesures législatives de ce genre se multiplient et auront des échos dans toute l’Europe.

La Convention ne sait pas pour autant maîtriser la colère des sans-culottes parisiens qui, avant de partir aux armées, décident d’exterminer les ennemis de l’intérieur qui remplissent les prisons. Ces sanglants massacres de septembre confrontent pour la première fois l’Assemblée à la volonté punitive des masses. Elle va leur opposer une démonstration pédagogique fondée sur le droit : il s’agit de commencer par faire le procès du roi. En pleine guerre, cette procédure va durer plusieurs mois et ses débats, sanctionnés par des votes successifs, permettent à l’Assemblée de faire connaître la trahison du monarque. L’écho du procès est immense. Venue voir sur place, la théoricienne féministe britannique Mary Wollstonecraft est impressionnée, le 26 décembre 1792, par l’attitude des foules que rassemble le passage du convoi qui mène Capet devant ses juges : « Pour la première fois depuis que je suis arrivée en France, j’ai pu m’incliner devant la majesté du peuple »1.

Dans ses votes sur le procès du roi, la Convention, confrontée aux menaces de représailles des monarques européens, refuse pourtant toute procédure de sanction populaire du verdict. Elle s’assume comme directement responsable de la décision finale. Le 21 janvier 1793, le roi est exécuté. Les nombreux partisans d’une décision moins radicale, comme le sursis, ont été battus. Dans ce processus, deux courants se sont séparés. La majorité parlementaire initiale, dite girondine, qui espérait trouver, en épargnant le roi, un compromis avec les monarques d’Autriche-Hongrie et de Prusse, s’est décomposée et la Grande-Bretagne entre pour longtemps dans la guerre européenne. En face de la Gironde, une minorité dite montagnarde a compris que la guerre est désormais inexpiable et qu’elle ne pourra être gagnée qu’avec le soutien des masses. Il faut au moins donner satisfaction aux paysans sur les droits seigneuriaux et assurer le ravitaillement des villes à des prix acceptables, exactement comme il faut ravitailler les armées.

La troisième révolution

La division entre Gironde et Montagne n’existe encore vraiment qu’à l’Assemblée. De l’hiver au printemps 1793, les débats se succèdent sur la future Constitution républicaine mais les mesures prises par ailleurs pour faire face aux circonstances sont partielles ou confuses. Ainsi la levée de 300 000 hommes pour renforcer l’armée repose sur une procédure inégalitaire qui déclenche des protestations, puis une véritable insurrection dans l’ouest. L’activité parlementaire se bloque progressivement pendant que des débuts de guerre civile accompagnent désormais la guerre étrangère. La hausse des prix rend difficile le ravitaillement des villes et des armées, occasionnant de multiples émeutes. Des villes aussi importantes que Lyon et Marseille connaissent des crises politiques graves. Sur le plan militaire, le général Dumouriez qui commande les forces françaises en Belgique, est battu en mars 1793. Il tente alors un coup d’État militaire contre la Convention mais se heurte à ses propres troupes. Le 1er avril, Dumouriez passe à l’ennemi avec tout son état-major. L’armée, désorganisée, reflue en désordre, en fusillant certains de ses généraux. La situation paraît désespérée.

Pour sauver la seconde révolution, il faut trancher entre Gironde et Montagne : une nouvelle insurrection des sections de Paris devient inévitable. Une première tentative échoue le 31 mai 1793 mais une seconde réussit finalement le 2 juin. Les dirigeants girondins sont exclus de l’Assemblée. La nouvelle majorité décide de rédiger rapidement la Constitution, de la soumettre pour la première fois à un vote populaire direct tout en continuant à prendre les « grandes mesures » susceptibles de gagner les masses. C’est la troisième révolution.

La rédaction de la première Constitution républicaine, avec sa Déclaration des droits, est bouclée le 24 juin 1793, donc très rapidement, mais elle s’appuie sur les intenses débats menés depuis 1789. C’est, jusqu’à nos jours, la plus démocratique de notre histoire. Pendant que le vote populaire s’organise, une bonne moitié des administrations départementales lèvent des troupes et projettent de marcher sur Paris, voire de se coordonner avec les forces monarchistes déjà insurgées.

La mise en place du gouvernement révolutionnaire

Pour gagner le soutien du pays profond, s’assurer du ralliement des autorités locales et gagner le vote des citoyens, la Convention prend une abondance de décisions politiques majeures et de mesures propagandistes. La procédure du vote direct permet de rassembler à Paris, le 10 août 1793, les envoyés des milliers d’assemblées primaires de tout le pays. Leur rassemblement permet l’adoption de la Constitution, mais aussi la transmission d’une multitude de vœux émis par les citoyen·nes. Entretemps, la Convention a déjà décidé des modalités démocratiques de partage des biens communaux (10 juin) et supprimé totalement les droits féodaux (17 juillet), tout en adoptant des mesures symboliques : création du système métrique (1er août), présentation du projet de Code civil (9 août), création du Musée du Louvre (10 août)…

Aiguillonnée par les sections, la Convention adopte le Maximum général (29 septembre) un système de contrôle des prix qui implique un rationnement égalitaire dans les villes, mais les juristes qui dominent l’Assemblée sont décidés à ne pas aller plus loin. À la campagne, ils ne donneront jamais satisfaction aux demandes de limitation des grandes fermes, ni à tout ce qui pourrait ressembler à une Loi agraire, ce que nous appelons réforme agraire ; dans les villes, ils ne laisseront jamais les sections prendre le dessus sur les administrations.

Le succès du vote de la Constitution et les ralliements politiques ne suffisent pas pour que la situation se rétablisse. La Convention gouverne par l’organe d’un Comité de salut public d’une douzaine de membres, renforcé en juillet par l’élection de Robespierre, assisté d’un comité de sûreté générale chargé des mesures policières. Mais la situation militaire reste désastreuse. Lyon, Marseille et Bordeaux sont insurgées. Au sud, les sections monarchistes de Toulon ont ouvert ce port militaire à un puissant débarquement anglais. Dans l’ouest, l’armée vendéenne, catholique et royale, sillonne la Bretagne en essayant d’ouvrir un second port (Nantes puis Granville) pour le débarquement du prétendant.

Dans cette situation, et pour la grande majorité de la Convention, organiser les élections promises et mettre en application la Constitution républicaine risque de mettre en danger la république elle-même. L’exercice des droits démocratiques très étendus que cette Constitution reconnaît aux assemblées primaires, et donc l’expression accrue des mouvements populaires, mettrait en danger la résistance du régime. Surestimant les périls, la Convention décide à l’automne 1793 que la Constitution ne sera applicable qu’à la paix. En décembre, elle suspend toutes les élections et met en place un Gouvernement révolutionnaire, fortement centralisé autour des deux grands comités, une véritable dictature de salut public, avec des mesures de terreur étendues. C’est un tournant majeur, assorti d’une accélération de la reconstruction étatique.

L’échec des robespierristes

Appliquer les mesures destinées à « faire vivre le pauvre » suppose simultanément pour les grands comités reprendre en main de façon systématique les mouvements populaires. Pendant les premiers mois de 1794, une répression bien organisée vise successivement les sections parisiennes, la Commune de Paris, les « indulgents » (Danton) et les « exagérés » (Hébert), à droite comme à gauche, avec des exécutions quotidiennes. Parallèlement, le Comité décrète aussi l’interdiction des sociétés de femmes qui débouche sur un recul massif de leurs droits. Ce retournement culmine avec la décision de compléter le maximum des prix avec un maximum des salaires, évidemment très impopulaire.

Lorsque surviennent les premiers succès militaires, avec la reprise de Lyon, de Marseille puis de Toulon en décembre, puis, en juin 1794, la victoire de Fleurus, une bonne partie de l’opinion démocratique manifeste par des banquets populaires de rue qu’elle croit le moment venu d’appliquer la Constitution et d’organiser les élections. Le Comité de salut public s’y refuse énergiquement, décidé à prolonger le Gouvernement révolutionnaire. À ce moment, une majorité de la Convention se décide à renverser le Comité pour en finir avec les tribunaux révolutionnaires et la terreur.

Le 26 juillet 1794 (9 thermidor an II), Robespierre et ses amis sont mis en minorité. Les sections parisiennes, démoralisées par le maximum des salaires, se divisent ou hésitent. Les robespierristes sont guillotinés à leur tour. Les vainqueurs de la journée du 9 thermidor ne sont pas non plus décidés à appliquer la Constitution. Ils reconduisent le Gouvernement révolutionnaire, mais ils ont déclenché une dynamique régressive qui les dépasse.

 

Dès ce moment, alors que la Révolution va continuer encore des années, la notion de république se divise et donne naissance à trois traditions différentes :

1/ Les vainqueurs du 9 thermidor rédigent la deuxième Constitution républicaine, celle de 1795 ; ils sont à l’origine d’une république des notables, bourgeoise et ancrée à « l’extrême centre ».

2/ Des centaines de milliers d’exemplaires de la Constitution de 1793 ont été répandus dans la population ; ses partisans vont contribuer à former une tradition militante, essentiellement populaire, souterraine pendant tout le 19e siècle.

3/ Entre les deux, les orphelins de l’expérience de l’an II et de sa dictature de salut public sont à l’origine d’une autre tradition, « néojacobine » ou « blanquiste », qui hésite constamment entre démocratie directe et efficacité étatiste.

  • 1. “For the first time since I entered in France, I bowed to the majesty of the people”. Mary Wollstonecraft, Œuvres complètes (en anglais), tome 6, p. 363, lettre à son éditeur londonien Johnson.