Publié le Mercredi 15 mai 2024 à 11h46.

Les soldats, l’État et l’actualité de la révolution

Cette remise à l’ordre du jour de l’anti­militarisme en actes s’inscrit dans l’analyse de la situation politique issue de Mai 68. Pour la majorité de la Ligue communiste, « le problème du pouvoir se pose, posons-nous le ». La tactique de front unique ouvrier est mise en cause en raison notamment du faible rapport de forces réformistes/révolutionnaires, et on parle davantage de tactique « unité d’action-débordement ». C’est dans cette logique que s’inscrit, entre autres, la systématisation de la dialectique violence de masse/violence minoritaire. C’est l’époque des actions coup de poing contre les locaux significatifs de l’impérialisme américain, en défense des sept militants basques du procès de Burgos, des manifestations en défense de la révolution vietnamienne, en soutien aux militantEs des droits civiques en Irlande, des actions visant à écraser dans l’œuf la vermine fasciste, de la défense physique des interventions ouvrières confrontées aux attaques de la CFT1

Cycle ascendant de luttes ouvrières 

Des analyses qui s’appuient sur un niveau exceptionnel de mobilisations ouvrières. La liste des luttes dans les entreprises s’allonge régulièrement : grèves aux Nouvelles Galeries de Thionville, Hutchinson, Neyrpic, Grandes Chaudronneries de Lorraine, Peugeot Sochaux (1969), Berliet, Michelin, Renault Le Mans (1969 puis 1971) Billancourt (1973), nettoyeurs du métro 1970, Billancourt 1973, Pennaroya 1971 et 1972 etc. Des grèves marquées du sceau de la radicalité des rapports sociaux : grèves sauvages, occupations, séquestrations, mises à sac de bureau voire sabotages et reprises de production (comme chez Lip). Si les organisations d’extrême-gauche sont généralement à l’initiative dans les mobilisations de la jeunesse, elles sont également présentes dans ces luttes ouvrières soit parce que de militantEs sont à l’intérieur des entreprises, soit par la mise en place de comités de soutien.

Construire des comités dans l’armée

Si, selon Daniel Bensaïd, « l’histoire nous mord la nuque », et il est donc temps, en matière d’antimilitarisme révolutionnaire, de revenir en pratique aux traditions du mouvement ouvrier. La Ligue communiste construit un front de soldats, marins et aviateurs révolutionnaires (FSMAR) regroupant et organisant ses militants et sympathisants présents dans les casernes. Leur activité politique consiste à la fois à organiser la résistance à l’embrigadement et à engager les débats autour du rôle de l’armée notamment à partir des interventions de celle-ci contre les mobilisations de travailleurEs (grève des postiers, dans les transports, des contrôleurs aériens, etc.). Le contexte international fournit aussi une large matière à débats : coup d’État militaire au Chili, renversement de la dictature par des structures de l’armée au Portugal. 

En parallèle la Ligue crée le Comité de défense des appelés (CDA) organisation unitaire s’adressant aux civils souhaitant s’engager à la fois dans le soutien aux luttes des soldats et à la lutte contre l’institution militaire structure étatique centrale dans la répression d’une éventuelle crise révolutionnaire et agent de l’impérialisme français notamment en Afrique.

  • 1. CFT : Confédération française du travail, animée par des militants d’extrême droite avec le soutien du patronat.