Publié le Mercredi 5 mai 2021 à 10h26.

OTAN, Europe, Afrique : Mitterrand l’impérialiste

Impossible de résumer en un court article l’ensemble des dimensions de la politique étrangère de François Mitterrand, même si le moins que l’on puisse dire est qu’il ne s’est guère posé, là non plus, en rupture avec les traditions impérialistes et militaristes de la France.

La défense de la « place singulière » (et de l’héritage colonial) s’est ainsi combinée avec un renforcement de l’intégration aux institutions capitalistes internationales, qu’elles soient anciennes (OTAN) ou en formation (Communauté européenne). C’est ainsi sous l’impulsion de François Mitterrand que les premières négociations sur le « retour » de la France dans l’OTAN furent lancées, à l’automne 1990 et l’hiver 1991, dans la foulée de la chute de l’URSS et à l’orée de la première guerre du Golfe, dans laquelle la France se lança sans hésiter.

L’Europe capitaliste

François Mitterrand fut en outre l’un des principaux architectes de la construction de l’Europe capitaliste, dans laquelle il fit jouer un rôle essentiel à la France, main dans la main avec l’Allemagne. De l’Acte unique de 1986 au Traité de Maastricht en 1992 en passant par l’Union économique et monétaire (UEM), il fut un artisan de tous les traités renforçant la mise en place d’une Europe capitaliste, tout en jouant la partition de l’opposition à l’ultralibéralisme de Margaret Thatcher. Lors de la campagne référendaire de 1992, il déclarait : « L’Europe cristallise à tort beaucoup de peurs : peur du changement, peur de la modernisation, de l’ouverture au monde et aux autres. C’est un paradoxe. On projette sur l’Europe des menaces imaginaires, alors qu’elle nous protège de risques bien réels. » 30 ans plus tard, la balance « protection-risques » est sans appel…

Françafrique

En ce qui concerne la politique de Mitterrand en Afrique, laissons la parole à l’association Survie : « L’homme du discours de La Baule sur une hypothétique démocratisation [de l’Afrique] (1990) est aussi un des artisans majeurs de la perpétuation de la politique néocoloniale française en Afrique. Dès 1948, il voyage en Afrique dans les traces de ­Foccart, y nouant des contacts qui lui permettront de conforter sa position politique, grâce à des députés locaux. Il devient ainsi ministre de la France d’Outre-Mer (entre 1950 et 1951), puis ministre de la Justice en 1956, et, à ce titre, l’un des hauts responsables de la répression en Algérie. Dès son arrivée à la Présidence, en 1981, il charge son conseiller spécial François de Grossouvre de rassembler les éléments d’un réseau mitterrandien sur le continent. Il évince très vite, à la demande des dictateurs africains, le ministre de la coopération Jean-Pierre Cot. Sa cellule élyséenne est chargée d’exhiber une capacité de nuisance envers la Françafrique chiraquienne, qui octroie du coup à la Mitterrandie une part du gâteau. L’affaire du Carrefour du développement, qui compromet le ministre Christian Nucci 1, montre l’étendue de la corruption. Monté rapidement en puissance, le fils Jean-Christophe s’inscrit dans le sillage des choix et des réseaux pasquaiens. Ainsi, les Mitterrand père et fils apporteront un soutien indéfectible aux dictateurs Mobutu, Sassou (que son proche, Jacques Attali, défendra à la moindre occasion), Eyadéma, Biya, Déby, Gouled Aptidon… Les membres de la garde élyséenne se recyclent rapidement en créateurs de firmes de sécurité (viviers à mercenaires). »

Jusqu’au génocide des Tutsis

Loin des tonalités pacifistes, voire anti-impérialistes, d’une partie de la gauche, y compris social-démocrate, dans les années 1970, qui s’étaient entre autres manifestées dans le programme commun de 1972 qui préconisait « la renonciation à la force de frappe nucléaire stratégique sous quelque forme que ce soit » ou dans le programme du Parti socialiste qui revendiquait un « refus de l’alignement de la France sur les positions de l’impérialisme dans le monde », Mitterrand fut en réalité un continuateur des politiques impérialistes de la France. Concernant l’arme nucléaire, le ministre de la Défense Charles Hernu déclarait dès 1982, en défense des essais nucléaires : « Tous nos moyens militaires contribuent à notre stratégie de dissuasion globale. Dans ce cadre, la priorité est donnée au nucléaire et c’est largement sur elle que la France fait reposer sa sécurité ». Et son deuxième septennat restera à jamais marqué du sceau du génocide des Tutsis au Rwanda, qui ne fut pas un accident de parcours mais bien un élément de continuité de la politique étrangère de Mitterrand, comme le rappelle Survie : « Le génocide de 1994 au Rwanda, "pas trop important" selon François Mitterrand, est le point d’orgue de sa politique africaine tant le soutien aux génocidaires est effarant. »

  • 1. En décembre 1984 se tient à Bujumbura, au Burundi, un sommet franco-africain. François Mitterrand a choisi ce pays pour des raisons diplomatiques. Mais cet État très pauvre et totalement sous-équipé est incapable d’accueillir une rencontre internationale. Comme les fonds officiels sont insuffisants, Christian Nucci, ministre de la Coopération, va créer une association miracle pour recueillir des fonds de l’État. L’Association du Carrefour du développement reçoit ainsi plus de 80 millions de francs, parmi lesquels plus de 20 millions vont « disparaître » dans des réseaux de corruption et d’enrichissement personnel.