Publié le Lundi 12 octobre 2015 à 07h29.

Le poids de l’Histoire

Bien qu’il soit rangé parmi les dix pays les moins développés de la planète, le Burkina Faso est un pays dont la population « ne se laisse pas faire ». Il compte de fortes traditions politiques et de mobilisation populaire dont la vivacité vient encore de se manifester ces dernières semaines...

Antérieurement, ce pays était appelé en langue française la Haute-Volta, selon une dénomination purement géographique. Depuis le 4 août 1984, il porte le nom de « Pays des intègres », combinant deux mots issus de deux des principales langues de ce pays multi-ethnique (le mooré et le dioula). Autrement dit, depuis le premier anniversaire de l’arrivée au pouvoir de Thomas Sankara, qui a apporté tant de changements à ce pays de la zone Sahel.

Dans une période plus récente, des mobilisations populaires ont laissé des traces profondes dans lesquels s’inscrit la révolte récente contre le putsch réactionnaire. Parmi elle, les protestations consécutives à l’assassinat du journaliste Norbert Zongo (1998), qui allaient durer une année et obliger le président Blaise Compaoré à procéder à une réforme « démocratique » de la Constitution.

2011 : explosion sociale

En février 2011, c’est la mort d’un jeune lycéen dans la ville de Koudougou, Justin Zongo (sans lien de parenté avec Norbert Z.), qui met le feu aux poudres. Sous l’impulsion des révoltes en Tunisie et en Égypte – qui avaient alors fraîchement chassé les présidents respectifs –, la jeunesse lycéenne et étudiante descend dans la rue. Parmi les mots d’ordre, « Koudougou sera la Tunisie ! », ou encore « Le Burkina aura son Égypte ! » Dans plusieurs villes, des bâtiments administratifs (police, tribunal, préfecture) seront brûlés. Dans la ville d’Ouhigouya, l’incendie des munitions dans le commissariat occasionne une série d’explosions qui dure dix-sept minutes d’affilé… Elles seront suivie d’une explosion sociale. À partir de la mi-mars, le mouvement étudiant prend le relais dans la capitale Ouagadougou, avec des manifestations de masse. Par la suite, il y aura des grèves : parmi les enseignantEs, à la société de téléphonie Onatel ou dans la mine d’or de Kalsaka.

Mais il y aura aussi des affrontements au sein de l’armée. À la mi-avril, c’est d’abord le RSP, troupe d’élite, qui se révolte pour des raisons matérielles qui lui sont propres : contre la perte de certaines primes liées à des opérations extérieures (Darfour, Côte d’Ivoire..). Mais fin mai, ce seront des troupes de base qui se révolteront à Bobo Dioulasso… avant d’être réprimées par le RSP, aux ordres du régime. De profonds clivages de classe existent aussi au sein de l’armée.

Ces événements auront largement contribué à affaiblir le régime de Compaoré, qui allait finalement chuter sur la prochaine vague de mobilisation de l’automne 2014, annonçant déjà sa fin.

Bertold du Ryon