Barack Obama est resté président pendant huit ans. C’est en fait dès le début de son premier mandat, alors qu’il avait une majorité parlementaire, qu’il a commencé de décevoir les espoirs des couches populaires.
Lors de la crise des années 30, pour sauvegarder les intérêts fondamentaux du système capitaliste, Roosevelt a, poussé par un fort mouvement social, affronté certains des intérêts immédiats de l’« establishment ». Comparé à Roosevelt, Obama a tout faux...
En mars 2009, Obama a reçu les dirigeants des treize principales banques américaines. Un des PDG reçus s’est confié à un journaliste : « Au point où on en était, il aurait pu nous ordonner n’importe quoi et on l’aurait fait. Mais il ne l’a pas fait : il voulait juste nous aider à nous en sortir, calmer la foule. » Bien que les banques fussent alors sous perfusion de fonds publics, Obama n’avaient pas l’intention de leur imposer des réformes drastiques. Rassurés et sauvés, les banquiers ont recommencé à distribuer d’énormes bonus à leurs dirigeants et traders et sont partis en guerre contre les propositions de régulation de la finance, malgré leur caractère limité.
Avant tout, sauver les banques !
Les banquiers sauvés purent reprendre donc leurs affaires quasiment comme avant. Par contre, dans l’automobile, en contrepartie de l’aide accordée à Chrysler et General Motors, le gouvernement fit pression pour une restructuration. Des centaines de milliers d’emplois furent supprimés dans les bastions traditionnels de l’automobile US et les entreprises délocalisèrent au Mexique ou dans les États du sud des États-Unis où les syndicats sont quasiment absents. Les avantages sociaux obtenus par les luttes des générations précédentes furent remis en cause, avec notamment la mise en place de salaires inférieurs de moitié pour les nouveaux embauchés.
Durant sa campagne électorale de 2008, Obama s’était engagé à réformer le droit du travail en levant une partie des obstacles que les patrons peuvent mettre à la présence d’un syndicat dans leur entreprise. Arrivé au pouvoir, ce n’était plus une priorité.
Obama n’entreprit rien pour supprimer les allègements des impôts des plus hauts revenus hérités de l’ère Bush. à partir de 2010, il bascula vers une politique d’austérité négociée avec les Républicains, répétant que dans ce cadre « tout devait être mis sur la table », indiquant par là qu’aucune dépense, même les programmes de protection sociale, n’avait vocation à échapper aux coupes budgétaires.
La réforme de la santé
Le seul point où Obama a bataillé, c’est sur la réforme de la santé. Le texte adopté n’instaure pas une sécurité sociale pour touTEs : le système continue de reposer sur un mélange d’assurances privées et de programmes publics. Le secteur des assurances privées a ainsi bénéficié de millions de nouveaux assurés subventionnés par les contribuables. Le nouveau système a certes permis de garantir une couverture santé à près de vingt millions d’Américains supplémentaires (et en a laissé des millions d’autres sans aucune couverture-maladie).
Ce dispositif, compliqué à comprendre pour l’Américain moyen, a permis à la droite républicaine de mener une campagne d’agitation, car pour une moitié des Américains au moins, il n’a rien changé... Et, par ailleurs, les assurances privées ont augmenté considérablement leurs tarifs : une hausse de 25 % est annoncée pour 2017 !
Ceux d’en bas ont été abandonnés
Douze millions d’Américains ont perdu leur logement depuis le début de la crise immobilière en 2007. Ils étaient en effet incapables de rembourser des dettes souvent assorties de taux d’intérêt prohibitifs. De plus, un certain nombre de ces saisies ont été faites à la va-vite dans des conditions juridiques douteuses. Obama aurait pu s’appuyer sur la colère populaire pour imposer aux banques des mesures énergiques d’aide aux propriétaires en difficulté. Mais il n’a rien fait en ce sens.
Du point de vue des inégalités, la présidence d’Obama n’a pas signifié une rupture avec les tendances antérieures. Les inégalités sociales ont continué de s’accroître au détriment des couches populaires, en premier lieu des Noirs mais pas seulement. Il ne s’agit pas seulement du fait que les riches ont capté une part de plus en plus importante du revenu national : les États-Unis sont le seul pays développé où la mortalité augmente pour certaines catégories de la population : Noirs, Hispaniques, mais aussi les Blancs n’ayant pas fait d’études supérieures. Dans les années 70, les Blancs les plus riches vivaient cinq ans de plus que les Blancs les plus pauvres. L’écart est aujourd’hui de quinze ans...
Si le chômage a baissé, c’est en partie parce que nombre de gens, découragés, ont renoncé à chercher du travail tandis que la précarité a augmenté. De quoi alimenter la pauvreté laborieuse, c’est-à-dire le nombre de personnes qui n’arrivent pas à vivre dignement des revenus de leurs miettes d’emplois.
Rien d’étonnant à ce que le soutien populaire aux démocrates se soit érodé au point de conduire au succès de Trump. Les électeurs pensent que « le gouvernement » ne s’occupe pas vraiment de leurs problèmes. Si encore les Démocrates avaient défendu des réformes perçues comme capables d’améliorer rapidement les conditions de vie, par exemple un programme de création d’emplois ou un vrai projet d’assurance maladie universelle, les « gens ordinaires » leur auraient su gré d’avoir essayé même si ces projets avaient été rejetés par les Républicains. Ils ne l’ont pas fait et l’appareil du parti a tout fait pour faire trébucher Bernie Sanders qui prônait de telles réformes. Résultat : c’est du côté républicain qu’est sorti un illusionniste dangereux se présentant comme le candidat du changement.
Henri Wilno