Les luttes au Maroc s’inscrivent dans une nouvelle configuration sociale et politique...
L’intégration à la mondialisation capitaliste, la prédation comme système d’accumulation, la généralisation des politiques d’austérité ont élargi leur champs. Avec une montée des luttes dans les régions marginalisées autour de l’accès aux services de base et contre la prédation de leurs ressources. La fermeture de l’immigration a privé d’une aide importante dans certaines régions.
Soulèvements sociaux
La plus vieille ZAD du monde est à Imider, village auto-organisé contre l’exploitation des minerais (par une société du roi) et le détournement des ressources en eau. Durant ces quinze dernières années, dans les villages reculés ou les petites et moyennes villes à ancrage rural ont eu lieu des soulèvements sociaux contre l’absence d’emploi, d’équipements collectifs, d’investissements publics, de détournement des richesses et des ressources locales. Une rupture avec le silence des campagnes et des montagnes sur laquelle s’est historiquement appuyé le pouvoir pour domestiquer la ville.
Ces nouvelles forces sociales, sans liens avec les forces politiques et mouvements traditionnels, entrent de plein pied dans la contestation. Les femmes, en particulier dans le Sud, ont organisé un mouvement autonome contre les politiques de spoliation des microcrédits. La lutte prend racine dans les quartiers populaires des grandes villes, contre la démolition des logements, la dégradation des services publics et le coût de la vie. À Tanger, des mobilisations ont lieu contre Amendis, filiale de Veolia, pour protester contre la hausse des factures d’électricité avec pour seul mot d’ordre : « Dégage ! »
Mouvement ouvrier en crise
Si la lutte des diplômés chômeurs fait partie du paysage social depuis plus de vingt ans, se constitue, malgré des difficultés, le mouvement des « farachas », prolétaires de l’économie informelle vivant des petits boulots et du petit commerce ambulant. Une dynamique extérieure au mouvement ouvrier traditionnel, en crise, qui connaît notamment sur le plan syndical un émiettement et un recul historique (moins de 5 % d’adhérents). La domination de mafias bureaucratiques, la stratégie du dialogue social ont mené à une longue agonie, même si persiste dans certains secteurs une tradition de lutte et des équipes oppositionnelles. Les bastions historiques ont été déstructurés mais de nouveaux secteurs émergent dans les zones franches autour de l’industrie automobile, des centres d’appel ou des services, regroupant une force de travail jeune, qualifiée et concentrée, point d’appui à une renaissance combative du syndicalisme.
Dans la jeunesse, la crise de l’UNEM handicape les possibilités de mobilisation contre la privatisation de l’enseignement. Mais la jeunesse scolarisée s’est retrouvée, hors de la fac, dans la dynamique du M20F. Malgré l’absence de tradition de lutte, les étudiantEs de médecine luttent depuis près de deux mois contre les conséquences de la privatisation de la santé et la politique gouvernementale.
Créer les conditions d’un front de lutte
Si l’urgence sociale cristallise la majorité des mobilisations, les questions démocratiques ne sont pas absentes. Aux luttes contre la détention politique, les pratiques systématiques de torture, pour la liberté d’information, de manifestation et d’organisation, on peut rajouter l’émergence d’une nouvelle génération au Sahara occidental qui mène la lutte pour le droit à l’autodétermination, la persistance d’un mouvement culturel berbère, qui percute la vision centraliste du pouvoir et sa légitimation arabo-islamique et revendiquent pour certains de ses courants une laïcité radicale.
Ces mobilisations témoignent de l’instabilité sociale et politique, d’un ras-le-bol général. Elles butent néanmoins sur une répression systématique et une guerre d’usure qui visent à empêcher extension et victoires partielles. Elles restent souvent isolées et sans jonction entre les combats démocratiques et les combats sociaux.
Outre le contexte d’un rapport de forces dégradé, la gauche radicale et indépendante peine à créer les conditions d’un front de lutte, social et démocratique, en mesure de relancer un nouveau cycle de mobilisations de masse capable de porter l’exigence démocratique de la chute du despotisme et de l’arrêt des politiques d’austérité et de paupérisation ouvrant les possibilités d’un nouveau mouvement populaire qui aille jusqu’au bout.
A.M. (militant de Tahadi, Émancipation démocratique/Maroc)