Publié le Mercredi 5 juillet 2017 à 10h00.

USA et djihadistes : le syndrome de Frankenstein

Le soutien aux forces djihadistes était, dans les années 1980, une constante de la politique extérieure étatsunienne : certains parlaient alors du « djihad américain ».

Il s’agissait d’affaiblir l’URSS, d’abord en lui infligeant une défaite en Afghanistan puis en agissant sur la « ceinture verte », selon l’appellation donnée aux Républiques soviétiques en Asie centrale, à majorité musulmane, par les think tanks nord-américains. 

La guerre en Afghanistan contre l’URSS

L’occupation par l’Union soviétique avait commencé fin décembre 1979 suite à un « appel à l’aide fraternelle » lancé par le gouvernement à dominante « communiste » de Babrak Karmal. Le PC, officiellement appelé le « Parti démocratique populaire d’Afghanistan », était arrivé au pouvoir en 1978 suite à la révolution (ou au coup d’État) de 1978 qui avait renversé le gouvernement de Mohammed Daoud Khan, premier président après la chute de l’ancienne monarchie en 1973. Le gouvernement « démocratique populaire » fit face à des révoltes et des insurrections armées dès 1978. 

Jusqu’à la fin des années 1980, les USA ont très massivement livré des armes à différentes fractions de la « résistance » anti-soviétique (qui étaient profondément réactionnaires, mais pouvaient se légitimer aux yeux des masses en tant que « résistants aux envahisseurs étrangers et athées »). Le conflit fit entre 800 000 et 1,5 million de morts civils, et se solda par le départ des troupes soviétiques décidé en 1988 et achevé au 15 février 1989. Cette défaite de l’URSS a, selon de nombreuses analyses, beaucoup contribué à l’écroulement – de l’intérieur – du système soviétique, alors déjà entré en crise.

L’alliance entre les USA et les divers mouvements djihadistes, qui avaient eux aussi envoyé des armes et surtout de nombreux combattants en Afghanistan – depuis un arc de pays allant du Maghreb jusqu’aux pays du Golfe, mais aussi depuis le Pakistan  –, était rompue en 1990, l’année suivant le départ des troupes soviétiques du sol afghan. La raison de cette rupture réside dans l’arrivée de troupes nord-américaines sur le territoire de l’Arabie saoudite (notamment sur la base de Dahlan), dans le cadre de la préparation de la guerre aérienne contre l’Irak. Le stationnement des troupes commença en août 1990, pour une guerre de bombardement de l’Irak qui allait durer du 17 janvier 1991 au 28 février suivant.

Ben Laden se met à son compte

C’est à l’occasion de ce déploiement de troupes qu’un riche homme d’affaires saoudien, un certain Oussama Ben Laden, ancien allié des militaires et service de renseignement nord-américains quand il s’agissait de convoyer des combattants en Afghanistan, appela au « djihad anti-américain » en 1990. Il s’agissait de venger la « désacralisation de la terre des lieux saints de La Mecque et Médine », puisque le sol saoudien était foulé par des soldats non-musulmans.

De cette rupture d’une alliance antérieure entre impérialisme US et djihadistes, dont ces derniers avaient largement profité tout au long des années 1980 pour constituer leurs forces, est né le réseau al-Qaida. Après des tentatives d’implantation d’abord infructueuses en Libye puis au Soudan (jusqu’au bombardement US en août 1998 suite aux attaques des ambassades au Kenya et en Tanzanie), la tête du réseau trouva refuge dans l’Afghanistan ravagé par des années de guerre. Dans ce dernier pays, les anciens « Moudjahedins » de la guerre antisoviétique, arrivés au pouvoir en 1992 après la chute du gouvernement post-soviétique de Mohamed Nadjiboullah, venaient d’être supplantés par une force plus radicale qu’eux : les Talibans, au pouvoir depuis le 27 octobre 1996 et jusqu’à l’arrivée des troupes US et Otan à Kaboul, le 7 décembre 2001, suite aux attentats du 11 septembre de la même année. L’intervention militaire occidentale dure depuis lors, mais les Talibans se renforcent aujourd’hui plutôt qu’ils ne s’affaiblissent. Un scénario qui s’est répété, à partir de 2003, en Irak. 

Bertold du Ryon