A chaque élection, la jeunesse est une cible de choix. Afin de gagner des voix ou de se donner un côté « in », les candidats des classes dominantes ont tous leur stratégie pour « parler aux jeunes »… Le quinquennat qui s’achève, marqué comme le précédent par une offensive contre la jeunesse étudiante et travailleuse, a cependant vu naître un phénomène de rupture de toute une partie de celle-ci avec le PS et le « monde de la loi Travail » qu’il a tant défendue.
Les promesses, évidemment, n’engagent que ceux qui veulent bien y croire. Mais en la matière, le Parti socialiste au pouvoir aura brisé les espoirs d’une gestion « progressiste » du capitalisme en crise. Il avait pourtant réussi, ces dernières années, à se doter d’un important électorat de jeunesse étudiante, en lien avec sa base sociale enseignante, grâce à son discours sur les questions éducatives. Telle était d’ailleurs la première fonction de la promesse de créer 60 000 postes dans l’Education nationale, dans le cadre la « priorité à la jeunesse » proclamée par le candidat Hollande lors de sa campagne de 2012.Dans les faits, non seulement les 60 000 postes sont devenus 31 000, mais ils ont aussi changé de nature puisque 24 300 de ces créations ont concerné des postes d’enseignants stagiaires en formation. En ce sens, l’Education nationale à la mode du PS aura été celle de la précarisation, sans parler de la réforme Peillon et de la détresse vécue dans les zones d’éducation prioritaire, comme en témoigne la mobilisation en cours.Dans les universités, le quinquennat socialiste n’a fait que poursuivre la contre-réforme entamée sous Sarkozy. Après avoir entériné les lois d’autonomie des universités (LRU 1 et 2), le gouvernement Hollande a surenchéri avec la loi Fioraso, qui encourage les fusions d’établissements et aggrave la précarisation des emplois, autrement dit la mise en concurrence accélérée entre universités et entre personnels, sous les auspices de l’austérité budgétaire. Quant à la dernière grande promesses des socialistes, celle d’une allocation étudiante pour tous et toutes, elle n’a pas connu le moindre début d’application, y compris sous le ministère du frondeur Benoit Hamon – ce qui n’empêche pas cette « gauche du PS » de la faire aujourd’hui réapparaître comme par magie.
Génération Khatchik, Leonarda, ZAD, loi Travail, Adama… Mais si la « priorité » annoncée ne s’est pas mise en place dans les ministères, elle s’est affichée dans la rue. C’est en effet la jeunesse qui, la première, aura répondu aux trahisons et mensonges du gouvernement socialiste. Fin 2013, en solidarité avec Khatchik et Leonarda, contre les expulsions de sans-papiers. En 2014, sur les ZAD de Notre-Dame-de- Landes et du Testet, contre l’impunité des policiers assassins de Remi Fraisse. En 2015, en solidarité avec les migrants et contre l’état d’urgence. En 2016, contre la loi Travail et en solidarité avec la famille d’Adama Traoré. La rose du PS en a perdu ses pétales. Ce parti qui pendant tant d’années avait réussi à encadrer la jeunesse, par SOS Racisme dans les quartiers populaires, par l’Unef dans les universités, s’est fait déborder sur la gauche par les jeunes en lutte contre l’exploitation capitaliste et le racisme d’Etat.« OnVautMieuxQueça » aura été pendant des mois le mot d’ordre d’une génération qui sait, qu’elle soit sur les bancs de l’enseignement ou déjà sur le marché du travail, que ses conditions de vie seront moins bonnes que celles de ses parents. Avec un chômage à 25 % et la multiplication des contrats précaires, difficile de penser autrement. Dans un récent sondage IFOP, à la question « Globalement, quel est votre état d’esprit face à la société française actuelle ? », les 18-25 ans étaient 48 % à répondre « révolté », contre 27 % « résigné ». La réalité de la précarité contribue fortement à ces chiffres. Aujourd’hui, 80 % des jeunes accèdent à l’emploi par un contrat précaire et après quatre ans de salariat, ils sont encore 30 % (plus de 45 % pour les non-diplômés ou titulaires d’un brevet) à être maintenus dans cette situation. C’est contre cette jeunesse qui refuse de marcher au pas de l’austérité et de la logique néolibérale que les principaux candidats de 2017 ont pensé leur programme.
Alternance et ubérisationLe candidat des Républicains compte bien continuer à appliquer les recettes qui marchent... pour le patronat. Pour mettre fin au chômage de masse qui touche de plein fouet la jeunesse (25 % chez les 18-24 ans), François Fillon met en avant sa mesure phare : l’alternance pour tous. Selon lui, il faut en finir avec le culte du diplôme et former les jeunes aux réalités de l’entreprise pour donner aux patrons envie « d’investir » en eux. La formation en alternance permettrait de mieux insérer sur le marché du travail une jeunesse devenue encore moins chère. Le candidat veut pour cela supprimer les charges patronales sur l’emploi des jeunes en alternance et promet d’autres avantages aux entreprises dont les effectifs comprendraient au moins 4 % de jeunes sous ce statut.De son côté, Emmanuel Macron, qui revendique la loi Travail comme évidemment celle qui porte son nom, promet de poursuivre la casse du Code du travail, au profit de l’« ubérisation » dont il est le plus farouche défenseur. Vous ne trouvez pas de patron pour vous exploiter ? Exploitez-vous vous-même ! Avant même d’officialiser sa candidature, Macron exposait que « quand on est jeune, 35 heures, ce n’est pas long. » En fait, « 35 heures, ce n’est pas assez. On veut travailler plus, on veut apprendre son job. Et puis, il y a un principe de réalité. Un entrepreneur raisonne ainsi : ce jeune n’est pas qualifié, je veux bien l’embaucher mais il va apprendre son job en entrant dans mon entreprise, donc il faut qu’il effectue davantage d’heures. » Le candidat assume une position pro-patronale et ultralibérale décomplexée, en contradiction ouverte avec les intérêts des jeunes, futurs ou déjà exploités, qu’il prétend défendre.
Génération bleu-blanc-rouge ? Mais pour faire passer ces contre-réformes, qui ne feront que renforcer la précarité dramatique dans laquelle vit toute une partie de la jeunesse, les candidats de droite comme de gauche n’hésitent pas à ressortir des placards les plus vieilles recettes de l’encadrement des jeunes. Après l’état d’urgence, la répression des manifestations et les violences policières dans les quartiers populaires, voilà le retour du service militaire !Cette mesure fait accord entre la candidate du Front national et… le Parti socialiste, qui l’a intégrée fin novembre à son programme pour la présidentielle, le « rétablissement de la conscription » devant permettre, selon le premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis, de créer « une véritable garde nationale ». Les anciens candidats à la primaire socialiste, Valls et Montebourg, se retrouvaient sur cette même ligne. Pour le second notamment, il faudrait « rétablir un service national, civil et militaire, égalitaire et universel, pour tous les jeunes hommes et jeunes femmes, obligatoire pour une durée de six mois ».Certes, Benoit Hamon n’a pas intégré le service militaire dans son propre programme (pas plus que Fillon, qui signale cette évidence que l’armée française n’a plus les structures capables d’accueillir des appelés). Comme Macron, Hamon lui préfère un « service civique », facultatif et… non rémunéré, mais qui, selon le vainqueur de la primaire socialiste, pourrait déboucher sur une « validation des acquis », y compris par l’octroi d’un semestre universitaire – les bras en tombent. Mais rassurons-nous, si l’on peut dire, cela ne fait pas pour autant de Hamon un antimilitariste : pour lui, la priorité budgétaire en matière militaire est en effet… la construction d’un second porte-avions !Il manque un nom pour que l’énumération soit complète : celui de Jean-Luc Mélenchon. Lui aussi – comme Cambadélis et l’actuelle direction du PS – souhaite le retour de la conscription, appelée « service civique », pour participer à « la garde nationale » ou « garde républicaine »…
Avec Philippe Poutou, approfondir le printemps Lors d’une récente conférence de presse, une journaliste du Figaro demandait à Philippe Poutou – malgré les neuf mois écoulés depuis les faits – s’il se désolidarisait des « violences » dont la jeunesse aurait fait preuve pendant les manifestations contre la loi Travail. Mais de quelles violences parle-t-on ? Pas de celle qui plonge les jeunes dans la précarité et la misère, les empêchant parfois même d’avoir accès à un logement décent et les faisant renoncer à des soins de santé. Ni de celle qui réprime la contestation, militarise les quartiers populaires et cherche à museler la jeunesse…Contre le chômage, la précarité et la misère vécus par la jeunesse, contre les diktats et le chantage patronaux, nous revendiquons la réquisition des logements vides, le partage du travail entre tous et toutes, l’interdiction des contrats précaires et un CDI pour tous. Contre le salariat étudiant imposé et l’échec scolaire, nous nous battons pour l’autonomie de la jeunesse, pour un pré-salaire d’autonomie financé par les cotisations patronales. Cette autonomie financière est aussi politique, car elle est la seule base sur laquelle les jeunes pourront décider de leurs choix de vie, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre…En termes d’éducation, contre la privatisation des savoirs, nous revendiquons des universités accessibles à tous et toutes, jeunes ou travailleur-se-s, gratuites, sans cette sélection qui nous pousse à la compétition avec nos voisin-e-s de classe. Pour cela, il faut en finir avec les coupes budgétaires, les fermetures de classes dans les lycées et de filières dans les facs, et refuser que des grandes entreprises du CAC 40 siègent dans les conseils d’administration. Nos lieux d’études doivent être des lieux de débats et non d’imposition du discours gouvernemental, patronal, nationaliste et militaire.Loin d’être utopique, notre programme puisera sa force dans la combativité des jeunes étudiants et travailleurs qui s’en empareront. La candidature de Philippe Poutou, qui porte ces revendications et aspirations, nous servira pour approfondir le printemps et organiser la riposte, contre tous leurs projets de 2017, mais aussi pour fêter comme il se doit la révolution des jeunes travailleurs russes de 1917, qui étaient partis à l’assaut du ciel contre la société capitaliste et ses violences.
Par Sarah Macna