Publié le Dimanche 2 avril 2023 à 11h30.

Au Pays basque, vivre et se loger au pays !

En 2001, au Pays basque, deux agences immobilières basques explosaient. L’an dernier, 8 000 personnes défilaient à Bayonne pour le droit au logement. La crise n’est pas nouvelle mais elle s’aggrave et les Basques ne se laissent pas faire.

Environ 16 000 meublés de tourisme : de quoi loger 10 % de la population locale ! Il y a même 47 % de résidences secondaires à Guéthary, alors que la moyenne en Pays basque nord se situe à 20 %, un taux déjà très élevé.

Les capitalistes dévorent le Pays basque

Se promener le long de la côte, hors saison, c’est contempler parkings vides, golfs déserts, restaurant assoupis, campings abandonnés, maisons basques aux volets clos et piscines toisant l’océan. Mais pour trouver un exploiteur en vacances, cherchez ici : Gérard Larcher, Bruno Le Maire viendront sans doute s’y remettre de leurs dernières émotions, en jet privé bien sûr.

Même les terres agricoles y passent. Ça ne coûte rien et ça garantit qu’il n’y aura personne pour gâcher la vue ! Quand ce ne sont pas les locaux qui se résignent ou s’empressent de transformer la bâtisse familiale en gîte rural…

Le tourisme capitaliste ne consomme pas simplement du kérosène ou de la crème solaire, il consomme aussi la terre. Un mètre carré construit, ce sont six autres artificialisés. Le tourisme consomme l’environnement mais aussi la vie locale : le touriste ne vit pas ici, ne s’y implique pas. Alors il consomme un folklore qui n’est qu’un vague écho de la culture locale qu’il tue, comme les danses traditionnelles balinaises ne sont qu’une invention destinée aux touristes. On a mangé un axoa au piment d’Espelette et on a fait du surf, on connaît bien le Pays basque, non ?

Qui achète ici ? Comme l’a montré la chercheuse Eugénie Cazaux1, ce sont essentiellement des investisseurs cherchant du rendement rapide, des retraitéEs plutôt aisés et des actifs très aisés. Difficile pour les locales et locaux de « Vivre et se loger au pays » car ielles sont rares à présider le Sénat ou à être ministre de l’Économie. Même logé, aucun locataire n’est à l’abri : Bayonne connaît plus de congés pour vente que Marseille, Lyon, Toulouse, Nice et Nantes réunies ! Au moins y trouve-t-on des logements sociaux, contrairement à Biarritz ou Saint-Jean-de-Luz… Au final, les habitantEs du Pays basque se font expulser par la « loi du marché », c’est-à-dire celle des capitalistes.

La bataille du logement contre les résidences secondaires

Mais la résistance persiste et se renouvelle, s’appuyant notamment sur les réseaux militants basques historiques et l’auto-organisation, par exemple avec la plateforme plurielle Herrian Bizi / Vivre et se loger au pays. Elle a rassemblé l’année dernière des partis, associations et syndicats dans une campagne massive pour le droit au logement, contre les Airbnb. Avec en point d’orgue une manifestation record le 1er avril 2022, elle a obtenu la mise en place d’une mesure obligeant, pour toute nouvelle mise en location de tourisme courte durée, à mettre la même surface en logement à l’année.

Cette année, le viseur pointe les résidences secondaires et le logement social. Le 1er avril prochain, les habitantEs défileront à nouveau à l’appel de la plateforme Herrian Bizi (dont le NPA fait partie), réclamant la même mesure pour les résidences secondaires, la prise en compte de ces dernières dans le calcul du parc de logement social ou encore l’encadrement des loyers.

L’écosocialisme pour vivre ici

Ces mesures ne suffiront pas. Comme l’écrivait Engels, tant qu’il y aura des exploiteurs et des exploitéEs, la question du logement persistera. Les premiers auront les moyens de se loger fastueusement aux dépens des seconds qui n’auront que les miettes.

Il n’est pas nécessaire de construire : les logements ne doivent plus être des marchandises. Il faut s’en saisir, les réquisitionner pour celleux qui vivent ici, qui bossent ici. Commencera alors le travail : rendre ces quartiers, inhabitables en l’état, vivables. Transformer les parkings en potagers, refaire des golfs de vertes prairies et vider les piscines pour profiter de l’océan. Moins de Larcher, plus de potagers !

  • 1. Autrice d’une thèse sur la prise en compte des risques côtiers par les marchés fonciers et immobiliers du littoral français métropolitain : ambivalence de la mer et tentatives de régulation publique du « désir de rivage » à l’aube du changement climatique.