Publié le Mercredi 11 janvier 2023 à 08h43.

Loi Kasbarian : non à la criminalisation des pauvres  !

Une proposition de loi, portée notamment par le député Guillaume Kasbarian issu de la majorité présidentielle Renaissance et soutenue par les députés RN et LR, a été adoptée à l’Assemblée nationale le 2 décembre 2022. Elle est en débat au Sénat à partir du 31 janvier.

Une fois de plus c’est une proposition de loi antisociale qui affiche la volonté de criminaliser les pauvres pour le plus grand bénéfice des riches.

Durcissement des sanctions

Toute occupation de logement ou de bâtiment inoccupé sera passible de trois ans de prison et de 45 000 euros d’amende, soit un triplement des peines encourues aujourd’hui. Les « squatteurs » délogés devront tout remettre en état à leurs frais, l’obligation d’entretien par les propriétaires est suspendue pendant la durée de l’occupation mais c’est lui qui définira ce qu’il attend de la remise en état de son bien. On imagine la porte ouverte à tous les exigences abusives des propriétaires ! Cette règle s’appliquera aussi aux victimes des marchands de sommeil comme à celles qui paient régulièrement un loyer mais dont les propriétaires refusent de leur établir un bail et/ou des quittances.

Accélération des procédures d’expulsion

Les locataires endettéEs n’auront plus qu’un mois, au lieu de deux aujourd’hui, pour commencer à résorber leur dette avant le passage devant le juge des expulsions. Si le paiement du loyer n’a pas été repris ou si le locataire n’a pas demandé auparavant un échéancier de remboursement de la dette, l’expulsion sera automatiquement prononcée. Le préfet pourra désormais expulser en 48 heures. Enfin le juge ne pourra plus accorder de délai au-delà d’un an, au lieu de trois ans actuellement, aux locataires en attente d’un relogement, alors que l’on sait que les navettes entre les instances de la prévention des expulsions sont extrêmement longues et que l’offre de logements adaptés se fait rare. Les sanctions automatiques nuisent à une justice qui devrait entendre et juger selon chaque situation. Cette automaticité et cette nouvelle possibilité donnée à l’exécutif renforce encore une fois la suprématie des préfets sur les juges.

Criminalisation encore et encore…

La part des loyers dans le parc privé s’élève à 30 % du budget des familles en moyenne et à 45 % pour ceux qui ont les revenus les plus bas. Mais pour Kasbarian et ses collègues ce ne sont pas les coûts excessifs des loyers et des charges ni plus globalement l’ensemble des politiques anti­sociales mises en œuvre qui provoqueraient l’endettement mais l’irresponsabilité des locataires… qu’il s’agit de culpabiliser et de sanctionner durement !

Quant au délit de solidarité, il n’est toujours pas mort : une amende de 3 750 euros pourra s’appliquer s’il y a « incitation à la commission des délits prévus ». Lesquels ? Par exemple, les occupations d’écoles ou de logements vides ? Les piquets et les manifestations contre les expulsions ?

Intensification de la guerre contre les pauvres

Ce gouvernement de droite à la solde de l’extrême droite mène sur tous les terrains une guerre de plus en plus violente contre les classes populaires. Si cette loi est adoptée, elle permettra de lever tous les freins à la rente tirée de la surexploitation d’un besoin vital : se loger. Une rente juteuse pour les 24 % des plus riches propriétaires qui détiennent chacun plus de 5 logements ; le total de ce rapt de logements représente plus de 72 % du parc locatif. La rente immobilière rapporte beaucoup, notamment avec la hausse des prix du foncier et de l’immobilier et donc de l’augmentation du prix des loyers. Tous ces logements privés ne sont pas loués, la vacance permet la spéculation, la vente au meilleur prix au meilleur moment. Il y a ainsi aujourd’hui en France 3,1 millions de logements vides alors que 4,5 millions de personnes sont mal logées.

Cette proposition de loi exprime la volonté politique de l’État de se désengager de la question du logement en laissant faire la spéculation et l’augmentation continue des prix des loyers et des charges. Alors que la crise du logement n’a jamais été aussi forte, il n’a investi sur le logement que 38,2 milliards d’euros en 2021 c’est 3,7 milliards de moins qu’en 2017 ! Les aides à la production de logements sociaux diminuent ainsi que les APL.

Il organise doublement la pénurie de logements, en n’investissant pas assez dans la construction et en n’utilisant pas un moyen législatif à sa disposition : la réquisition des logements vides.

Si la loi Kasbarian est adoptée, les derniers freins à l’enrichissement arrogant des multipropriétaires sauteront car ils auront l’assurance de pouvoir continuer à s’enrichir grassement sur ce besoin vital pour tout humain d’avoir un toit. Ils continueront en toute légalité de faire des affaires sur le dos des locataires et squatteurs qui seront eux a priori toujours coupables. Et réprimés très durement, jusqu’au possible embastillement, pour s’être mis à l’abri dans des l­ogements inoccupés.

Nous continuerons avec toutes celles et ceux qui se battent pour le droit au logement digne, pérenne et accessible. Et notamment contre la proposition de loi Kasbarian en manifestant dans tout le pays, comme à Paris le 28 janvier.