La hausse des charges et des loyers frappe durement les ménages. Jusqu’à quand ?
«Pour le moment ça tient… ». C’est ainsi que le directeur général du bailleur social Plaine Commune Habitat (PCH) en Seine-Saint-Denis (93) répondait le 6 octobre dernier aux représentantEs des locataires sur l’ampleur des impayés depuis janvier.
Hausse des retards de paiement de loyer
En effet, depuis la crise du Covid et ses conséquences sociales, les locataires ont été mis à rude épreuve : la perte de revenus survenue avec le confinement de 2020 en a contraint plus d’un à la solidarité alimentaire, à la recherche de tous les dispositifs de soutien départementaux ou nationaux pour faire face à l’impossibilité de payer les factures du quotidien : FSL (fonds de solidarité pour le logement), chèque énergie, fonds Covid, fonds Action logement…. Le bailleur a dû lâcher du lest pour alléger la charge des locataires les plus endettés et a mis en place dès la fin du confinement un fonds de soutien « spécial Covid » de 200 000 euros, mobilisé en complément de toutes les autres aides existantes.
Le 19 décembre 2022, dans un communiqué, l’USH (Union sociale de l’Habitat), qui regroupe l’ensemble des bailleurs sociaux, a « fait état d’une forte montée des impayés de loyers des locataires HLM ». Dans son enquête réalisée auprès de 193 organismes HLM regroupant 47 % du parc social, l’USH constate une hausse de plus de 10 % des retards de paiement des loyers sur les deux tiers d’entre eux. Après le « moment où ça tient… » vient celui où « ça craque… » !
Les prix de l’énergie s’envolent
À la crise du Covid s’est rajoutée la hausse des prix des matières premières et de l’énergie en particulier. Cette hausse affecte directement les charges de chauffage et d’eau chaude des locataires. Il faut savoir que les gestionnaires des réseaux de chaleur qui assurent le chauffage et l’eau chaude dans les logements collectifs et les collectivités publiques doivent depuis la dérégulation d’EDF-GDF, acheter l’énergie sur le marché mondial. On voit donc des bailleurs de 10 ou 20 000 logements contraints de passer des contrats d’achat du gaz sur le marché concurrentiel, ce qui est une aberration !
Certains ont eu de la chance, comme Seine-Saint-Denis Habitat, qui a passé ses contrats pour trois ans, à des taux très bas, avant les hausses de 2022. D’autres, pris à la gorge, ont été obligés d’acheter du gaz à des tarifs exorbitants, même si l’utilisation des énergies comme la biomasse ou la géothermie, quand elles sont mises à contribution, protège partiellement les locataires de la hausse des prix des énergies non renouvelables.
La protestation et les mobilisations ont amené le gouvernement en février 2022 à étendre aux réseaux de chaleur et aux copropriétés le bouclier tarifaire applicable au prix du gaz. Cependant ce bouclier a été très compliqué à mettre en œuvre et il n’a pas été à la hauteur des annonces. Il a fallu six mois pour que les bailleurs encaissent cette aide qui au bout du compte n’a couvert qu’un peu plus de 10 % de la hausse de l’eau chaude et du chauffage pour l’année 2021, laissant à la charge des locataires les 90 % restant.
Certains bailleurs, constatant la forte hausse du gaz dès septembre 2021, ont anticipé ses conséquences et ont augmenté les provisions de charges de chauffage et d’eau chaude dès le mois de janvier 2022, de 50 à 100 euros en moyenne par mois et par locataire. Cela a été le premier choc : des centaines d’appels de protestation, des locataires assiégeant les agences locales des bailleurs exigeant le gel des charges et des loyers.
Le bouclier tarifaire n’empêchera ni la hausse des charges ni celle des loyers…
Le mois de janvier 2023 va être chaud pour les locataires. Les provisions de charges payées depuis janvier 2022 au titre du chauffage et de l’eau chaude risquent d’être insuffisantes malgré le bouclier tarifaire gouvernemental. Le prix du gaz en 2022 a continué de grimper de façon exponentielle, ce qui sera payé par les locataires en 2023. Les provisions de charge d’eau chaude et de chauffage vont augmenter même si le gouvernement a annoncé la prolongation du bouclier tarifaire limitant la hausse à 15 %. La hausse générale des loyers, de l’ordre de 3,6 % pour 2023, ce qui correspond au montant de l’IRL (indice de référence des loyers) est d’un niveau exceptionnel et sera applicable dès janvier. Elle représente une augmentation de 15 euros pour un loyer de base de 500 euros.
Dans un contexte d’inflation, alors que les revenus ne suivent pas, la colère est grande chez de nombreux locataires. Elle a été exacerbée par la façon dont les bailleurs ont souvent géré le lancement du chauffage collectif en ce début d’automne. Pour faire suite à la décision gouvernementale de limiter les températures dans les logements collectifs à 19 °C, ils ont répercuté cette mesure pour les logements HLM. Les logements étant très inégalement isolés thermiquement et dans les conditions météo de ce début novembre, peu froides et humides, nombreuxEs ont été celles et ceux qui se sont retrouvés à 17-18 °C dans les appartements humides. Colère, protestations, standards bloqués, délégations massives ont exprimés le sentiment des locataires d’être maltraitéEs. À Aubervilliers celles et ceux qui manifestaient le 17 novembre devant l’OPH (office public de l’habitat) contre la hausse des loyers de 3,5 % et le manque de chauffage, brandissaient des pancartes : « Ça va chauffer ! » et « On paiera rien du tout ! ».
Bloquer le prix des charges et des loyers
L’avalanche des hausses pose concrètement l’objectif du blocage des charges et des loyers. Il y a une limite au supportable, limite qui est difficile à déterminer mais qui existe. C’est pour cela que bailleurs et gouvernement prennent des mesures « d’accompagnement » — chèque énergie, fonds de soutien, bouclier tarifaire… — qui ne sont que des expédients pour faire passer la pilule. L’organisation du blocage est complexe à réaliser et demande un haut niveau de mobilisation, mais l’idée fait son chemin.
Les locataires ne sont pas responsables de l’inflation, et les hausses qu’ils subissent sont illégitimes. Ce n’est pas à celles et ceux qui vivent déjà la sobriété au quotidien, qui ont le moins de responsabilités sur la crise climatique, d’être mis à l’amende de façon brutale et autoritaire. Il est temps d’imposer la maîtrise du prix de l’énergie, d’empêcher la spéculation en garantissant un prix fixe du gaz et de l’électricité valable pour tous les bailleurs.
La part du logement dans les dépenses des ménages ne fait qu’augmenter pour atteindre un niveau insupportable. Il y a urgence à limiter cette part à 20 % maximum des revenus de chacunE. La gravité de la situation a le mérite de mettre ces réponses concrètement à l’ordre du jour.