Publié le Jeudi 2 février 2023 à 12h49.

Travailler moins pour vivre mieux et produire mieux

Aujourd’hui, l’épreuve de force qui oppose les capitalistes à celles et ceux qu’ils exploitent et oppriment se joue sur le terrain de la retraite. Même si ce n’est pas le seul objectif de la contre-réforme de Macron, il s’agit bien de nous faire travailler plus longtemps. Elle reprend une obsession des capitalistes : nous faire travailler plus, plus longtemps, plus durement. Report de l’âge de la retraite, mais aussi chasse aux chômeurEs, intensification du travail… tout leur est bon pour exploiter plus, pour profiter plus.

De notre côté, au-delà de l’absolue nécessité de battre cette contre-réforme, il s’agit de reprendre le flambeau de la longue lutte du mouvement ouvrier pour réduire le temps de travail. Journée de 8 heures, semaine de 40 heures, de 35 heures puis de 32 heures, congés payés, retraite à 60 ans, congés maternité puis parental… Autant de revendications et de combats pour le droit au repos et au temps libre, pour le droit de faire autre chose de sa vie.

Partager pour travailler toutes et tous

Alors que le chômage et la précarité sont des armes puissantes aux mains des capitalistes pour imposer les reculs à l’échelle d’une entreprise comme plus globalement, il est indispensable d’unir celleux qui ont du travail et celleux qui n’en ont pas pour reconstruire le rapport de forces. Il est tout aussi incontournable de combattre toutes les discriminations et surexploitations sexistes et racistes, toutes les fracturations entre salariéEs selon leurs statuts (contrat de travail,intérim, sous-traitance, uberisation, temps partiel…). Immédiatement, nous défendons la semaine de 32 heures sur 4 jours. La réduction de la durée légale du travail doit se faire sans perte de salaire et elle doit être entièrement compensée par des embauches, à la différence de ce qui s’est passé en 1998 avec les lois Aubry mettant en place les 35 heures. Alors, même si des emplois ont effectivement été créés, l’annualisation du calcul du temps de travail, l’intensification du travail, l’exclusion des petites entreprises et la non-limitation des heures supplémentaires ont non seulement réduit l’impact de la réduction de la durée affichée du travail, mais surtout ont rendu les salariéEs méfiants à l’égard d’une mesure qui s’est traduite pour beaucoup par une dégradation des ­conditions de vie et de travail.

Adapter le temps de travail à la productivité et à la production décidées

Au-delà des 32 heures, la réduction et le partage du travail jusqu’à la résorption du chômage permettrait à chacunE d’avoir un emploi lui permettant de vivre dignement. Mathématiquement, le partage entre toutEs des heures aujourd’hui travaillées en France aboutirait à une semaine de travail de 28 heures environ. Un tel calcul « toutes choses égales par ailleurs » permet de se faire une idée mais ni la production elle-même ni les conditions de la production ne peuvent rester en l’état. Cette échelle mobile des heures de travail permet d’adapter le temps de travail à la productivité et à la production décidées, de remettre les choses à l’endroit, de poser les questions dans le bon ordre. Premièrement, de quoi avons nous besoin ? Deuxièmement, comment produire ce qui est nécessaire dans de bonnes conditions ? Ce sont les réponses à ces deux questions qui déterminent la durée globale nécessaire du travail à partager entre toutEs.

Produire pour satisfaire les besoins humains

« Le capital épuise les deux seules sources de toute richesse : la Terre et le travailleur ». Cette phrase de Marx, qui gagnerait à être plus inclusive (!), met en évidence le lien profond entre crises écologiques et crises sociales causées par le capitalisme. Ce système gaspille le travail et les ressources du sol et du sous-sol, et porte des atteintes toujours plus graves aux écosystèmes et à la biosphère. Son productivisme est sans limite car il produit des marchandises dont le seul but est d’être vendues pour réaliser le profit, qui servira à nouveau à produire des marchandises qui seront vendues... dans une circulation d’argent qui est sans rapport avec la satisfaction des besoins humains.

Les crises écologiques, en particulier le basculement climatique, imposent une réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre qui sont dues majoritairement à l’utilisation des énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole). Même avec un développement très important des énergies renouvelables, la réduction de la consommation d’énergie reste incontournable. Or celle-ci impose la réduction non moins radicale de la production matérielle et des transports. Il est aussi urgent d’éliminer les produits et procédés dangereux pour les salariéEs, les riverainEs et l’environnement, de réduire le plus possible la pollution et la consommation d’énergie, de concevoir des biens durables, réparables entièrement. Décider de produire et transporter moins tout en satisfaisant les besoins sociaux individuels et collectifs réels ne peut se faire que par le débat démocratique à tous les niveaux afin de planifier et d’organiser l’arrêt, la transformation, la création ou le développement des différentes activités.

Le pillage des ressources naturelles et la destruction des écosystèmes vont de pair avec l’exploitation destructrice de la force de travail humaine : usure, souffrance, maladies professionnelles, accidents du travail... Il ne suffit pas de passer moins de temps au travail, il est aussi essentiel de transformer l’organisation du travail afin d’en réduire la pénibilité et de préserver la santé physique et mentale des salariéEs pour ne plus perdre la vie (et la santé) en essayant de la gagner. La souffrance est aussi due à un travail qui n’a pas de sens, au mal-travail, c’est-à-dire au fait que le capitalisme empêche de faire bien son travail, de travailler utilement pour la société.

Oui ! Nous voulons travailler moins et en même temps construire une émancipation au travail et en dehors du travail. Et plus encore, nous revendiquons avec Marx « la prédominance de "l’être" sur "l’avoir" dans une société sans classes sociales ni aliénation capitaliste, c’est-à-dire la primauté du temps libre sur le désir de posséder d’innombrables objets : la réalisation personnelle par le biais de véritables activités, culturelles, sportives, ludiques, scientifiques, érotiques, artistiques et politiques ».