Le patronat et les gouvernements veulent rendre invisibles les dégâts psychiques et physiques créés par le travail, alors que la santé au travail devrait être un élément essentiel de la santé publique. Ils ne veulent pas s’attaquer aux multiples causes de la souffrance au travail...
L’organisation du travail
Les salariéEs aspirent à accomplir du « bon travail », mais l’organisation capitaliste et ses contraintes de rentabilité s’y opposent. Ils essaient de contourner le travail qu’il sont censés faire conformément aux exigences de l’employeur pour travailler autrement. Ce décalage entre le travail prescrit et le travail réel, et la volonté de ne pas faire n’importe quoi à n’importe quel prix, est la source de troubles, notamment d’une souffrance dite éthique (parce que en contradiction avec ses propres valeurs). Ainsi, la baisse des moyens ou les modifications de protocoles de sécurité à la SNCF sont insupportables pour des cheminotEs ayant pleine conscience des conséquences possibles, comme à Brétigny-sur-Orge.
Le Lean management, méthode de gestion de la production issue de Toyota, appliquée dans l’industrie puis dans le tertiaire, prétend alléger la production « au plus juste » sans tâches inutiles. Pour plus de productivité, il ne doit plus y avoir de discussion entre collègues, de temps de repos, mais le travail doit s’intensifier avec l’accélération des tâches manuelles ou mentales, malgré l’accroissement de la souffrance psychique et physique. Et vice suprême, les employeurs font en sorte que sous couvert « d’autogestion » du travail, les équipes se culpabilisent elles-mêmes !
La gestion par le stress « permet d’améliorer les capacités d’adaptation aux situations agressives », cela pour les employeurs qui refusent généralement de reconnaître leurs responsabilités dans la souffrance du salariéE mais l’imputent à sa fragilité, à son inadaptation. Le ressenti physique et psychique de l’exploitation est maximale avec les managements agressifs et pathogènes, le burn-out (épuisement professionnel) peut conduire à la mort, au suicide.
Les expositions toxiques
Les pesticides dans l’agriculture, les produits chimiques dans l’industrie, sont dangereux pour les travailleurs et aussi la population. Ils rendent malades et tuent, comme à Seveso, à AZF. Le scandale sanitaire de l’amiante perdure, le désamiantage traîne sournoisement des pieds et n’est toujours pas réalisé dans de nombreux bâtiments, les travailleurEs chargés de cette tâche sont mal protégés, la mortalité va encore augmenter. Selon l’Association nationale des victimes de l’amiante (Andeva), 3 000 personnes meurent chaque année du fait de leur exposition à cette substance, le Haut conseil de la santé publique prévoit jusqu’à 100 000 décès d’ici 2025. L’usage de l’amiante est seulement interdit en France depuis 1997, alors que des études publiées depuis le début du 20e siècle montraient déjà son danger !
Les conditions de travail
En 2014, 629 789 accidents, dont 539 mortels, et 5 163 maladies professionnelles (Source : CNAMTS) ont été déclarés à la Sécu. Matériel inapproprié, formation inexistante ou insuffisante, manque d’entretien des machines, exigence de plus de productivité et donc fatigue due à l’intensité du travail, à sa monotonie, à la dureté de la tâche, au manque de périodes de repos sont souvent à l’origine de ces accidents du travail.
Entre 11 000 et 23 000 cancers par an (Source : INRS) sont liés aux expositions professionnelles... alors que seulement 2 000 sont pris en charge en maladie professionnelle. Il en est de même avec la surdité, les lombalgies et les troubles musculo-squelettiques (TMS) qui représentent 87 % des maladies professionnelles.
S. Bernard et J. Giron