Alors qu’en 2019, la branche maladie de la Sécurité sociale arrivait à l’équilibre après plusieurs années de déficit, Emmanuel Macron a relancé la politique des « caisses vides » : suppression du « forfait social » (contribution à la charge de l’employeur) pour les entreprises de moins de 250 salariéEs en mai 2018, engendrant une baisse d’un demi-milliard d’euros de recettes pour la Sécurité sociale ; réintroduction de l’exonération des cotisations sociales des heures supplémentaires (2019). Ces deux mesures non compensées par l’État marquent la fin du compromis historique de 1994 selon lequel l’État doit compenser à l’euro près « toute mesure de réduction ou d’exonération de cotisations de sécurité sociale pendant la durée de son application». Elles génèrent un manque à gagner appelant de facto des réformes et des économies pour le combler.
En 2020, la Commission des comptes de la Sécurité sociale estimait à 4,4 % le taux de croissance des dépenses de santé nécessaire pour compenser l’augmentation des dépenses liées au vieillissement de la population et aux innovations médicales. Mais les lois de financement de la Sécurité sociale de 2018 à 2020 ont confirmé la volonté de limiter les dépenses publiques de santé, puisque celles-ci, fixées dans le cadre de l’Objectif national de dépense d’assurance maladie (ONDAM), n’ont progressé que de 2,3 % à 2,5 % par an. Ces taux de croissance sont insuffisants pour faire face à la hausse des dépenses de soins. Alors que les personnelEs hospitaliers manifestaient depuis plus d’un an face à la dégradation des soins hospitaliers, l’ONDAM de 2021 prévoyait des économies de l’ordre de 4,2 milliards d’euros pour l’hôpital public. Même après les deux années de crise sanitaire au cours desquelles le sous-financement de l’hôpital public a été largement mis au jour, l’ONDAM (hors mesures liées au Covid et au Ségur de la Santé) pour l’hôpital n’augmentera que de 2,6 % en 2022. […]
Encouragé par les pouvoirs publics, le développement de l’assurance complémentaire en santé est un facteur important de croissance des inégalités d’accès aux soins. En effet, si près de 96 % de la population dispose d’une couverture complémentaire en santé, la qualité de cette couverture est fortement liée à la position sociale de chacunE : les plus gros salaires bénéficient d’un niveau de remboursement plus élevé, et parmi les 4 % des personnes non couvertes, on trouve principalement des chômeurEs, des précaires et des étudiantEs.
La part croissante prise par l’assurance complémentaire est un élément central du développement d’un système de santé à deux vitesses : d’une part, un secteur public insuffisamment financé, dont le périmètre et la qualité se dégradent, mais dont les coûts sont bien pris en charge. D’autre part, un secteur privé dont le périmètre augmente mais face auquel les patientEs sont inégaux, plus ou moins voire non remboursés, en fonction de la complémentaire dont ils disposent.
Extrait de ATTAC, « Macron : on fait le bilan », éditions les Liens qui libèrent, 2022.