Prenant la suite du secrétaire d’État aux Transports Djebbari, qui s’était exprimé le 24 avril, le Premier ministre Philippe, le 28 avril, a annoncé les mesures et recommandations du gouvernement pour la reprise progressive de l’activité dans les transports en commun.
L’offre de transport étant par définition adossée au reste de l’activité économique, elle avait subi une forte baisse, quoique très disparate en fonction des réseaux. Voilà comment la RATP devenue la Régie autonome de transport de banquettes comme l’a dit un conducteur, s’était retrouvée avec environ 30 % de son offre habituelle. Offrant le spectacle de bus articulés de 18 mètres de long avec à bord moins de cinq personnes (conducteur compris !) sur les lignes touristiques tandis que celles transportant les travailleurEs restaient bien remplies.
À l’image de beaucoup de branches industrielles qui ont utilisé toutes les arguties possibles pour faire passer leurs productions comme indispensables, les entreprises de transport ont largement joué le jeu du gouvernement et de ses injonctions paradoxales entre « restez chez vous » et « allez travailler » : aux conducteurEs, agentEs de maintenance, contrôleurEs et autres de se débrouiller avec ça !
La rentabilité avant tout
Dans la foulée de l’intervention de Macron du 13 avril, les patrons des grandes entreprises du transport avaient posé leurs conditions. Dans un courrier daté du 17 avril, elles enjoignaient au gouvernement, avec une certaine morgue, d’abandonner tout principe de distanciation sociale à partir du 11 mai prochain. La diatribe hypocrite sur le souhait de voir le port du masque rendu obligatoire était là pour masquer (cas de le dire) le renoncement à cette distanciation. C’est que mettre de l’espace entre les voyageurs impacte par définition la capacité de transport de chaque véhicule… et la rentabilité du kilomètre parcouru ! Les patrons allaient même jusqu’à faire remarquer qu’une augmentation de la fréquence entraînerait des dépenses publiques supplémentaires, pour prévenir sans doute qu’eux ne mettraient aucunement la main à la poche. Les patrons du transport ont dans ce courrier réclamé beaucoup, faisant ainsi passer les décisions d’Édouard Philippe pour un arbitrage équilibré. En effet, la distanciation sociale ne sera pas abandonnée, une place assise sur deux devra rester vide et un marquage au sol ou avec des stickers aideront soi-disant les voyageurs à se répartir dans les véhicules ou voitures. Pour faire respecter tout ça, Pécresse demande l’intervention supplémentaire des forces de police et d’associations comme la Croix-Rouge, en exigeant une amende de 135 euros en cas de non-respect de ces règles.
Pourtant, la solution la plus évidente et la plus conforme à l’état sanitaire est évidemment une augmentation de la fréquence ou de la capacité des véhicules. Le gouvernement n’en a même pas parlé, suivant de près les injonctions patronales. Une preuve éclatante que si les voyageurs s’entassent dans des transports bondés, avec ou sans Covid-19, c’est avant tout pour des raisons de rentabilité !
Pour la reconnaissance d’un travail indispensable
En tout état de cause, quel que soit le rythme que les patrons voudront imposer pour le retour à un service normal, les travailleurs du transport devront rester attentifs et organisés pour que l’empressement de leurs chefs ne mette pas en danger leur santé. On pense notamment aux conducteurEs de bus et car, qui devront veiller à ce que le poste de conduite demeure confiné jusqu’à la résolution de la crise. Idem s’agissant de l’interdiction de la vente à bord par ailleurs le plus gros facteur d’agression. Pourquoi ne pas en profiter pour remettre à l’ordre du jour la gratuité du transport public ? Ils devront refuser de faire la police dans leur véhicule si des voyageurs montent sans masque ou refusent de se tenir à distance les uns des autres. Et de ce fait réclamer une augmentation des fréquences et l’embauche de personnel non conducteur à bord des véhicules, pour veiller à la sécurité sanitaire de tous. Et comme tous ceux qui ont été contraints de continuer à travailler, ils et elles doivent demander des augmentations significatives de salaire, pas comme un salaire de la peur, mais comme la juste reconnaissance d’un travail indispensable.