Cet ouvrage rassemble un ensemble d’enquêtes sociologiques menées sur différents terrains, avec un intérêt privilégié pour le monde du travail. Les réunit une ambition de contester l’équivalence habituellement tracée entre émancipation et individualisation, en démontrant que leurs rapports sont beaucoup plus complexes et ambivalents. L’individualisation peut s’avérer source d’aliénation et d’exploitation (comme lorsqu’elle est promue par des formes de management privilégiant la parcellisation des tâches) tandis que la lutte collective reste un des principaux moyen de contestation des rapports de domination. À une « face positive » de l’individualisation, entendue comme l’extension des droits et capacités d’expression des individus devant des formes contraintes d’appartenance ou d’assignation collectives, s’oppose une « face sombre » faite de concurrence exacerbée et de culpabilisation personnelle en cas d’échec. Les auteurs tiennent à rappeler, contre l’individu abstrait (mais implicitement masculin) de la philosophie libérale, que des supports collectifs, et spécialement un ensemble de protections et droits garantis, sont indispensables pour accéder à une individualité émancipée. Croisant analyse sociologique, apports marxistes et critique féministe, l’ouvrage offre un éclairage contrasté sur un ensemble de mobilisations (spécialement dans les secteurs les plus précaires et/ou les plus féminisés) sans ignorer les obstacles qu’elles rencontrent mais sans jamais inviter à la résignation. La conclusion implicite des auteurs est de toute évidence que la lutte collective reste le plus sûr chemin vers l’émancipation. Lilian Mathieu
La Dispute, 250 pages, 23 euros